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Les hommes perdus

Les hommes perdus

Titel: Les hommes perdus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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France, outre les frontières de 92, le territoire de Mulhouse, celui de Montbéliard, la Savoie, le comté de Nice, et entérinait l’incorporation du Comtat Venaissin, fief des Papes. Des colonies, on perdait seulement Sainte-Lucie, Tabago et l’île de France cédées à l’Angleterre, la partie espagnole de Saint-Domingue restituée à l’Espagne. Les Alliés ne demandaient aucune indemnité de guerre ; ils ne réclamaient même pas les objets d’art enlevés par Napoléon dans les pays conquis, dont les Parisiens avaient déjà fait leur deuil.
    Bernard se disait content de Louis XVIII. « Nul autre n’aurait valu au pays un traitement si favorable », affirmait-il. À quoi son beau-père et Claude répliquaient : « Es-tu content aussi de voir le drapeau blanc substitué aux couleurs nationales, de l’insolence qu’affichent les émigrés et les prêtres ?
    — Non, sans doute ; mais, il faut bien le reconnaître, pour tout le continent ces couleurs sont devenues sous Napoléon celles du despotisme ; et je ne me suis pas battu pour un drapeau, j’ai versé mon sang pour l’indépendance, l’unité, la grandeur, la tranquillité de la France. Eh bien, n’est-elle pas respectée, unifiée, en paix, n’occupe-t-elle pas un rang élevé parmi les nations ?… Quant aux émigrés et aux prêtres, leur turbulence présente passera d’elle-même. »
    Si honnête, si désintéressé qu’il fût, Bernard ne se laissait-il pas influencer par les façons de Louis XVIII à son endroit ? Ainsi qu’aux autres maréchaux, le roi lui avait envoyé le bâton bleu fleurdelisé ; mais en outre, comme il ne tenait de l’Empire ni dotation ni titre, Sa Majesté venait de le faire comte et pair. On ne pouvait lui en vouloir d’accepter ces distinctions si méritées. Depuis longtemps, titres et dignités remplaçaient les armes d’honneur par quoi l’austère Convention récompensait les services rendus à la patrie ; pour sa part, Jourdan espérait être fait, enfin, duc de Fleurus. Claude, lui, n’avait pas ces raisons de considérer favorablement la nouvelle monarchie et, pas plus que Gay-Vernon déjà très pessimiste, il ne croyait les choses en voie de s’arranger toutes seules, bien au contraire.
    Le bon vouloir ne semblait pas manquer à Louis XVIII. Il le prouvait en maintenant contre vents et marées la Charte attaquée furieusement par les ultra-royalistes ; mais, vieillard impotent et, à ce qu’on disait, soucieux par-dessus tout de son bien-être, il ne possédait plus l’énergie nécessaire pour contenir sa famille. Celle-ci s’affirmait, comme l’avait pressenti Jean Dubon, entièrement stupide. Monsieur, d’abord si bien vu pour son affabilité, ses manières gracieuses et libérales, ayant jeté ce masque, se posait désormais en champion de l’absolutisme. Au pavillon de Marsan – là où siégeait autrefois le Comité de Sûreté générale – il tenait sa propre cour composée d’émigrés, d’anciens officiers de Condé, de vendéens. On s’y déclarait – comme, vingt-cinq ans plus tôt, Cazalès à Versailles – résolu à défendre la royauté contre le roi. Monsieur laissait entendre que de grands changements se produiraient si Dieu l’appelait à régner : éventualité fort envisageable étant donné l’état physique de Louis XVIII. Depuis la mort de M me  de Polastron, en 1804, le comte d’Artois était passé du libertinage à la bigoterie, d’un certain libéralisme adopté pour plaire au cabinet de Saint-James à l’absolutisme complet. Il n’existait pas pire fanatique. Thérèse elle-même, qui avait eu, en tant que vieille royaliste persécutée, l’honneur d’être présentée au pavillon de Marsan, tenait Monsieur pour un redoutable imbécile. Selon l’usage malheureusement conservé, il participait au Conseil, comme prince du sang. Ses fils aussi. Le cadet, le duc de Berry, occupé de ses plaisirs : les femmes, les chevaux, n’aimait guère les jacobins, mais se montrait tolérant. Il soutenait généralement les avis du roi. Le duc d’Angoulême, en revanche, joignait aux opinions outrées de son père la haine de sa femme pour tous les vestiges de l’esprit révolutionnaire. Par l’intermédiaire de son mari, elle exerçait dans le Conseil une action aussi néfaste que l’avait été celle de sa mère auprès de Louis XVI.
    On n’ignorait rien de tout cela dans Paris, ni que les ultras voulaient purement et simplement

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