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Les hommes perdus

Les hommes perdus

Titel: Les hommes perdus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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raison lui répétait qu’elle était folle et coupable. Elle ne pouvait pas réussir, et ces hommes, si dévoués au bien du peuple, lui préparaient un mal désormais sans remède. Robert Lindet, Carnot, Prieur demeuraient immobiles eux aussi. Nul, d’ailleurs, ne songeait à eux, nul ne les nomma pour faire partie de la Commission extraordinaire. On désigna Duquesnoy, Duroy, Bourbotte, Prieur de la Marne. Ils acceptèrent. Duquesnoy, en leur nom à tous, déclara : « Si périlleuses que soient les fonctions dont vous nous chargez, nous saurons les remplir et mourir à notre poste, s’il le faut. » À ce moment, un homme s’approcha de Fouché, lui parla furtivement à l’oreille. D’un signe de tête, Fouché le renvoya, puis, se retournant : « Nous sommes cernés, dit-il à mi-voix.
    — Quoi ! s’exclama Claude.
    — L’antisalle est pleine d’uniformes, expliqua Fouché froidement.
    — Il faut le dire ! »
    Trop tard. Legendre, Delecloy arrivaient par la porte des pétitionnaires, et Legendre lançait de tout son gosier : « J’invite l’Assemblée à rester ferme et je somme tous les citoyens qui sont ici de se retirer ! » Des huées couvrirent sa voix. Injuriés, bousculés, menacés, Delecloy et lui durent sortir. Soubrany pressait la Commission de se rendre à l’hôtel de Brionne pour occuper les bureaux de la Sûreté générale. Duquesnoy entraîna ses collègues vers la grande porte aux vantaux démolis. Dans le passage, ils se heurtèrent à Raffet suivi de Kervelgan et Auguis, qui les refoulèrent. Prieur de la Marne interpella Raffet, lui demandant s’il avait reçu du président l’ordre d’entrer. « Je ne te dois aucun compte, répliqua le commandant de la garde nationale. Soldats, en avant ! »
    Les hommes de Lecourt-Villiers pénétrèrent alors dans la salle de la Convention et, se divisant pour entourer la foule, bien diminuée, la poussèrent à la pointe des baïonnettes vers l’antisalle. Les patriotes n’étaient plus en nombre. Ils résistèrent néanmoins, et même ils parurent un instant avoir le dessus. Kervelgan reçut à la main un coup de sabre. Peyssard, Bourbotte criaient déjà victoire. Mais le bataillon de Grenelle, conduit par Fox et Legendre, celui de Le Pelletier arrivèrent au pas de charge par le couloir des pétitionnaires. En quelques instants, la foule fut balayée, chassée dans la salle de la Liberté, poursuivie à travers l’ancienne chapelle, dans l’escalier du DixAoût et jetée dehors. Il était minuit.

V
    Bernard Delmay s’inquiétait au sujet de Claude. Toute la relevée, des bruits alarmants avaient couru les bureaux du Comité militaire, dans les anciens appartements du roi. Situés entre le pavillon de l’Horloge et celui de Flore, à l’étage, ils donnaient sur le Jardin national, fermé aujourd’hui. Les insurgés, racontait-on, avaient envahi en masse l’Assemblée, tiré sur les représentants. Plusieurs étaient morts ou blessés. La populace promenait, au bout d’une pique la tête de Fréron (on le confondait avec Féraud). Bernard demandait en vain le nom des autres. On ne les connaissait pas. Il rageait de ne pouvoir aller sur place. Aubry, craignant qu’un de ses « généraux sans-culottes » ne se mît à la tête des rebelles, avait consigné tous les officiers dans les appartements royaux, avec une sentinelle à chaque bout de l’ex-galerie des Carraches. Vers huit heures, n’y tenant plus, Bernard s’en fut demander l’autorisation d’aller voir ce qu’était devenu son ami, son frère, Mounier-Dupré. Et, comme Aubry la lui refusait, il s’emporta jusqu’à dire : « Fort bien, je m’en passerai. Depuis quand un général doit-il obéissance à un colonel ?
    — Monsieur, lui rétorqua le Soixante-Treize dont l’aristocratisme ressortait sous le coup de la colère, vous obéissez ici non pas au colonel mais au membre du Comité de Salut public. Rejoignez immédiatement votre bureau, ou je vous fais arrêter. »
    Cependant Aubry n’était pas si mauvais diable. Moins d’une heure plus tard, un planton apportait à Bernard le billet suivant : « Travaillez en paix, général, le représentant Mounier-Dupré est indemne. » Par bonheur, l’altercation n’avait pas eu de témoins, sans quoi Aubry ne se serait peut-être pas montré si généreux.
    Cette nouvelle soulageait Bernard d’un grand poids, mais il se rappelait les proscriptions de Germinal. Aussi ses premiers

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