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Les hommes perdus

Les hommes perdus

Titel: Les hommes perdus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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confiance et courage. Il ressentait profondément le besoin de la retrouver, après l’alerte de cette nuit, ne fût-ce que pour la tenir un instant contre lui. Mais la cloche appelait. Il fallait obéir. Margot lui apprit que les gens des faubourgs, en révolte dès l’aube, marchaient sur l’Hôtel de ville.
    Les malheureux ! Ne comprenaient-ils pas qu’en prolongeant l’insurrection ils rendraient plus féroces les représailles, plus complète la réaction ! Ils tendaient inévitablement les mains aux chaînes ! Déjà ils avaient anéanti tout espoir de sauver un reste de démocratie. Plein à la fois de pitié pour eux et d’irritation contre eux, Claude, sa barbe faite hâtivement, avala un jus de glands, sa demi-once de pain noir, dit à Margot de s’arranger comme elle voudrait pour la journée sans se soucier de lui, et descendit.
    En bas, il trouva Bernard qui arrivait, toujours athlétique dans son uniforme aux revers brodés, mais sans ceinturon ni sabre, et appuyé sur sa canne. « Je venais te parler, dit-il. Tu as failli être arrêté cette nuit, nous le savons. Je t’en conjure, sors de Paris. Mon beau-père voulait t’y exhorter lui-même, mais sa besogne l’accable. Écoute-moi, Claude, pars dès maintenant. Pense à Lise…
    — Justement, j’y pense, mon ami. Avant le 10Août, au moment où tout semblait perdu, où Marat comme les Roland s’apprêtait à fuir, j’ai eu la faiblesse d’y songer moi aussi. Lise alors m’a dit : “Quoi ! nous partirions, nous irions nous cacher, quand Bernard risque à tout instant sa vie pour nous défendre !” Nous sommes restés, et je resterai aujourd’hui.
    — Mais rappelle-toi aussi qu’après l’assassinat de Saint-Fargeau elle tremblait pour toi, elle m’a chargé de te protéger. Va-t’en, je t’en prie ! Imagine ce que serait sa douleur si on te déportait ! Et la nôtre ! »
    Claude serra le bras de son ami avec affection. « Ne t’inquiète pas, cher Bernard. Si je suis décrété, je ne me laisserai pas mettre la main dessus. En attendant, je dois demeurer à mon poste. Je n’y peux plus faire grand-chose, sans doute, et cependant sait-on jamais ? »
    En traversant l’ancienne chapelle, il se souvint d’avoir lui aussi supplié en vain Danton de se cacher. Il concevait maintenant, parce qu’il le ressentait, ce besoin de lutter jusqu’à l’ultime minute. Comment s’esquiver si on le décrétait d’arrestation ? Il n’en savait rien. Bah ! on verrait. Fouché était là également, dans l’antisalle, promenant de groupe en groupe sa pâle rousseur et ses yeux incolores. « Toi de même, tu t’obstines à rester ici, lui dit Claude.
    — Pourquoi pas ? Une âme pure ne redoute rien. Mes ennemis m’arracheront peut-être de ma place ; je ne la quitterai pas volontairement. »
    Louvet s’approcha. Claude, qui l’avait déjà remercié de son intervention, voulait lui exprimer encore sa gratitude. Le courageux petit blondin, à présent presque chauve, l’interrompit. « Prends garde, dit-il. Nous ne pourrons pas toujours vous défendre. La réaction ne se connaît plus, elle s’excite à mesure qu’elle s’entoure de forces. Les Comités sont en train de réunir une garde prétorienne pareille à celle du scélérat La Fayette. Toute la nuit, ils ont choisi dans les bataillons de la garde nationale les citoyens sûrs, pour en composer des compagnies à part, et ils convoquent en ce moment les plus zélés muscadins afin de les armer. Kervelgan me l’a dit. Il estime comme moi que l’on va beaucoup trop loin vers la droite. Par horreur du peuple, la majorité se jette aveuglément dans les bras des royalistes… Tiens ! s’exclama-t-il, voilà ton épouse, là-bas ! »
    Claude se retourna. Au seuil de l’antisalle, Lise, accompagnée par leur nièce et par Louis Naurissane, le cherchait des yeux. Claudine était allée en fiacre à Neuilly ; mais, inquiète elle-même, n’avait pas réussi à rassurer sa tante. Elle voulait rejoindre Claude. Il se contraignit à marcher tranquillement vers le petit groupe, avec des signes joyeux. « Quelle bonne surprise, mon amie ! dit-il en embrassant sa jolie femme. J’avais fort envie de te voir. Hélas ! la situation ne me le permettait pas.
    — Je sais, dit Lise. Tu es en danger.
    — Non. Je l’ai été. Je ne le suis plus », prétendit-il.
    Il raconta brièvement avec quelle vivacité la Convention avait réagi à l’attaque

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