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Les hommes perdus

Les hommes perdus

Titel: Les hommes perdus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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entendre que les voir.
    Sur la Glory, les vigies avaient signalé simplement une voile par le travers arrière. L’officier de quart, qui aurait bondi si on l’eût annoncée par le travers devant, s’était contenté d’un coup d’œil. Il s’agissait évidemment de la Sea-Mew, remontant elle aussi dans le norois. Tout le monde cherchait le commodore Warren ; on ne s’occupait point d’une direction d’où ni lui ni un adversaire ne saurait venir. Le malheureux officier n’en crut pas ses oreilles lorsqu’une des vigies, identifiant le Français à ses formes quand il fut assez proche, précisa, dans un hurlement de porte-voix : « À un mille par le travers arrière, frégate ennemie ! » En réalité, la République se trouvait à un peu plus d’un mille, mais cela ne changeait pas grand-chose. Tandis que les sifflets, les tambours anglais rappelaient aux postes de combat, les pièces longues arrivèrent à portée. Elles commencèrent la danse. Fernand ne comptait ni s’attarder ni se dérouter pour régler l’affaire. Passant sur l’arrière de la frégate, il se borna, pour achever le travail de Bergeret, à la balayer d’enfilade, presque à bout portant, avec la bordée de 12, puis il lui expédia en flanc celle de 18. Après quoi, les canons de retraite la martelèrent jusqu’à ce qu’elle fût hors d’atteinte. Quand on la laissa dans le sud-est, elle était, comme la Sea-Mew, bonne pour la remorque.
    Toujours au plus près, la République poursuivait sa route dans le norois, perdant contact avec les divisions, car elle serrait le vent bien mieux que les vaisseaux. Elle s’écartait d’eux sans cesse davantage, comme s’était écartée la troisième frégate vers laquelle elle cinglait. Excités par ces deux faciles victoires, l’équipage et les aspirants exultaient. Fernand, lui, se demandait si la chance allait le favoriser encore. Ce serait trop beau. Les choses ne se présenteraient plus d’une façon si commode. Cette fois, on serait découvert de loin.
    Peu avant six heures, l’adversaire fut relevé droit devant, bien silhouetté sur le ciel qui se dégageait avec le soir, – mauvais signe pour demain. Ce ne pouvait être que la troisième frégate. C’était elle, en effet, la Sovereign, redescendant grand largue vers l’escadre. Elle n’avait pas entendu le canon ; mais, comme elle naviguait loin de protection, dans les parages où rôdait, la veille et le matin, un de ces damnés mangeurs de grenouilles, son commandant s’était précautionné. Ses pièces se trouvaient au sabord, en position de charge, ses manœuvres doublées ou serpentées, ses filets de casse-tête tendus entre les bas-mâts, ceux d’abordage parés, les hamacs dans les bastingages. Pour se mettre en état de combattre, il suffirait d’éteindre les feux, d’ouvrir la soute, de monter les munitions.
    Un quart d’heure durant, les deux frégates se coururent droit dessus. La vitesse de l’une s’ajoutait à celle de l’autre. Elles se rapprochaient rapidement, inclinées sur la hanche, leur proue tapant dans la vague. Le commandant de la Sovereign n’imaginait pas, lui non plus, un ennemi arrivant sous ce cap. Aussi n’entreprit-il rien avant que l’on fût à portée de signaux. Alors il envoya ceux de reconnaissance. Mais ainsi il était venu également à portée des pièces longues. En réponse aux pavillons, Fernand, rehissant sa banderole bleu, blanc, rouge, fit ouvrir le feu. Au troisième coup, la Sovereign riposta. Pendant un autre quart d’heure, les deux navires, toujours plus proches, se canonnèrent par l’avant, sans résultat. Dans cette forte houle, avec leur voilure brassée à un angle très aigu, leurs mâts en file, ils ne s’offraient l’un à l’autre que la cible la plus mobile, la plus étroite. Quarante-quatre boulets ramés fauchant ensemble avaient quelques chances de toucher ; deux projectiles simples, aucune. Fernand attendait, non sans impatience, le moment d’employer les batteries. Quand il distingua nettement le détail des bossoirs adverses, son repère habituel en pareil cas : « Laisse porter », dit-il pour présenter le flanc et lâcher sa bordée bâbord.
    Au même instant, le commandant de la Sovereign donnait le même ordre. Les deux frégates commencèrent ensemble de tourner leur proue vers l’est en cédant au vent. Soudain, le beaupré de l’anglaise sauta en morceaux. Il avait littéralement cueilli au passage le dernier

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