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Les hommes perdus

Les hommes perdus

Titel: Les hommes perdus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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Vergniaud, Brissot, Valazé, Gensonné, Fonfrède, Ducos, de l’abbé Fauchet, et aussi de Pétion, de Buzot dévorés par les loups, de Barbaroux, de Guadet. Mais pour vivre il faut oublier. Sagement, leur ami Louvet, seul rescapé de l’odyssée en Guyenne, laissa dormir leurs fantômes. Il leva son verre : « À l’union intime des Soixante-Treize et des Vingt-Deux avec les auteurs du 9Thermidor ! »
    Claude l’approuva en regrettant que Louvet n’eût pas, trois ans plus tôt, incliné ses amis rolandistes et brissotins à la même sagesse envers Danton. Que de sang épargné ! Il était bien temps, enfin, pour la raison de l’emporter sur les rancunes. C’est pourquoi Claude s’étonnait un peu de ne point apercevoir ici Fouché. Lui aussi, il avait été, en coulisse mais d’une façon assez efficace, un artisan du 9Thermidor. Barras, interrogé comme on quittait la table dans le crépuscule où s’allumaient les lanternes multicolores, répondit avec son rocailleux accent : « Fouché, bah ! c’est un homme fini. Les accusations pleuvent sur lui de tous les côtés, de Nevers, de Moulins, de Lyon. Il sera décrété sous peu. »
    Il le fut en effet, treize jours plus tard, à la fin d’une séance que la Convention prolongea fort avant dans la nuit. On accusait Fouché d’abus de pouvoir, de malversations au cours de ses missions en province. Verneret, son successeur dans l’Allier, déclara l’imputation forgée de toutes pièces, et Merlinot cita les noms de gens payés par les royalistes du cru pour témoigner contre l’ex-proconsul. Il fallut abandonner ce cheval de bataille. Alors on attaqua Fouché sur sa conduite juste avant le 9Thermidor. Legendre, Tallien lui-même le défendirent. Ils signalèrent les services rendus par le député de Nantes dans la lutte contre Robespierre. Au mépris de toute vérité, Boissy d’Anglas répliqua : « Fouché n’a point eu de part au 9Thermidor. » Assurément, il ne s’était pas montré à la Convention durant cette journée. À vrai dire, personne n’avait eu autant de part au 9Thermidor que Maximilien lui-même, hélas ! Néanmoins, en excitant contre lui les trembleurs, en minant le sol sous ses pas, l’insidieux albinos avait, à sa façon, rendu possible un assaut inimaginable même après l’offensive du ridicule menée par Vadier. Présent à la séance, Claude eût expliqué cela, – pour rien. Il le comprit en poursuivant la lecture du Moniteur. Elle lui arracha une exclamation : « Ce Boissy, quel imbécile, décidément !
    — Quoi donc ? » fit Lise en train de chiffonner avec sa sœur sous la tonnelle où le petit Antoine dormait dans son moïse, tandis que Claude lisait les gazettes.
    « Écoutez Boissy d’Anglas : Fouché n’a point eu de part au 9Thermidor ; cette journée fut trop belle pour avoir été déshonorée par son secours !… Nous en sommes là : Billaud-Varenne, Collot d’Herbois, Vadier, Fouché ne sont pas les auteurs du 9-Thermidor, ni moi sans doute ; mais les “honnêtes gens” seuls. Bientôt, s’il n’y prend garde, Tallien lui-même n’en sera plus. Et voilà Lesage, le bien mal nommé, qui vend la mèche : Vous ne devez faire grâce à aucun des brigands de l’ancienne Montagne ; vous devez empêcher qu’ils ne puissent entrer dans le corps législatif qui vous succédera ; c’est pourquoi je demande l’arrestation de Fouché !…
    — Qui est ce Lesage ? s’enquit Lise.
    — Un membre de la Commission des onze. Un bélître. Mais il nous donne là, à nous, “les brigands”, un avertissement bon à retenir.
    — Personne ne te compte parmi les “rigands”, mon ami !
    — Bah ! dit Thérèse, on ne veut pas de vous dans les prochaines assemblées ; eh bien, que vous chaut, Claude ? N’avez-vous pas votre soûl des affaires ? et ne serait-il pas temps de vous soucier des vôtres ? Vous êtes père de famille, à présent.
    — Ma sœur, je ne m’obstinerais point aux affaires publiques si je savais les laisser en bonnes mains. Celles d’un Boissy d’Anglas, d’un Lesage ne sont assurément pas telles. Aussi suis-je fort résolu à ne point quitter la place aux ci-devant crapauds du Marais. En l’an II, ils se gardaient de coasser. Aujourd’hui, on n’entend plus qu’eux, et ils prétendent régenter la France. Cela ne se passera pas ainsi. »
    Évidemment, pour le cher et respectable évêque Grégoire, pour le gallican mais très

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