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Les hommes perdus

Les hommes perdus

Titel: Les hommes perdus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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à tout ce qui restait de l’armée catholique et royale.

V
    Le jour même, Tallien, laissant Blad sur place, partait pour Paris après avoir rendu la liberté à trois mille femmes et enfants de chouans. Il arriva le 8 Thermidor – le 26 juillet –, en même temps qu’une dépêche de l’agent diplomatique Barthélémy. La paix avec l’Espagne venait d’être signée à Bâle par Yriarte et lui. Voulant en finir avec ces négociations qui traînaient, le Comité de Salut public avait ordonné au général Moncey de reprendre l’offensive. Voyant l’armée des Pyrénées occidentales enlever en deux jours Bilbao, Vittoria, investir Pampelune, menaçant toute la Biscaye, Godoy s’était hâté d’abandonner les Bourbons de France. La République triomphait donc doublement : d’une part, l’expédition anglo-émigrée se trouvait anéantie ; d’autre part, les royalistes ne pouvaient plus espérer aucune intervention espagnole.
    Le 9 Thermidor, la Convention devait célébrer l’anniversaire de la journée mémorable où elle avait abattu Robespierre et son parti. Ce fut l’apothéose de Tallien. Dans la longue salle verte et jaune, les députés portant tous l’uniforme des représentants en mission faisaient face aux ambassadeurs installés dans la galerie dominant l’estrade présidentielle. Muscadins et Merveilleuses, parmi lesquelles trônait la belle Thérésa, Notre-Dame de Thermidor, emplissaient les tribunes. Un orchestre et des chœurs s’étageaient sur les gradins dans les arcades latérales. Ils exécutèrent les chants patriotiques habituels, puis un hymne écrit pour la circonstance par Marie-Joseph Chénier, redevenu le poète officiel de la République. On entendit ensuite Courtois, le collègue de Danton, auquel avaient été remis les papiers des vaincus du 9Thermidor an II, lire un long rapport. Naturellement, l’artificieux Courtois accabla les « triumvirs » et exalta l’héroïsme de leurs vainqueurs. Il rappela que Tallien, debout à cette même tribune, s’était écrié : « J’ai vu hier aux Jacobins se former l’armée du nouveau Cromwell, et je me suis armé de ce poignard pour lui percer le sein si la Convention n’a pas le courage de le décréter d’accusation ! » Mais, si courte qu’on eût la mémoire, l’ancien « Marais » ne pouvait pas ne se point souvenir d’avoir longtemps soutenu Robespierre contre les « hommes perdus » qui s’entre-glorifiaient aujourd’hui. En revanche, hormis les Rovère, les Aubry et quelques autres royalistes désolés par le désastre de Quiberon, l’Assemblée se félicitait de cette victoire sur l’absolutisme. Aussi Tallien fut-il applaudi sans réserve lorsqu’il gravit les marches de la tribune pour faire son rapport sur ces événements.
    Il les décrivit avec sobriété, louant l’habileté de Hoche, puis en nota les résultats : un matériel considérable saisi, mille cinq cents émigrés capturés, autant de chouans et six mille hommes de troupes. Un recensement hâtif faussait un peu les chiffres ainsi fournis. En réalité, une fois les femmes et les enfants libérés, restaient au total quatre mille huit cent soixante-neuf prisonniers. À leur sujet, Tallien conclut froidement au nom du Comité de Salut public : « Il existe des lois contre les traîtres, nous demandons qu’elles soient appliquées. »
    On en avait longuement débattu, la veille, au pavillon de Flore. Hoche, remplissant sa promesse, écrivait : « Il serait cruel et impolitique de songer à détruire cinq ou six mille individus qui ont été entraînés à Quiberon par la terreur ou le prestige. » Il conseillait de traiter les chouans et les émigrés selon les usages de la guerre. Dans le Comité, les ultra-Thermidoriens incitaient leurs collègues à l’indulgence ; mais leurs intentions étaient suspectes. La majorité ne se montra cependant pas impitoyable pour tous. On décida de distinguer les coupables et les égarés. Les chouans seraient renvoyés chez eux, sauf les chefs, fauteurs du soulèvement. Pour les troupes recrutées à Londres, on en considérerait les soldats comme entraînés dans une aventure dont ils ne mesuraient pas la portée. On disperserait dans les armées de la république ceux qui voudraient y servir. Quant aux véritables émigrés : les régiments à cocarde noire et tous les officiers, les uns et les autres combattant avec obstination leur patrie, depuis trois ans, partout où

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