Les huguenots - Cent ans de persécutions 1685-1789
donner la viande aux
chiens et aux chats, la fouler aux pieds et la jeter à la rue,
donner le pain et le blé aux pourceaux et aux chevaux, vendre les
meubles des maisons, tuer et vendre les bestiaux, brûler les choses
combustibles, rompre les meubles, portes et fenêtres, descendre et
abîmer les toits, rompre, démolir et brûler les maisons, battre et
assommer les gens, les enfler avec des soufflets jusqu’à les faire
crever, leur faire avaler de l’eau sans mesure avec un entonnoir,
les faire étouffer à la fumée, les faire geler dans l’eau de puits,
leur arracher les cheveux de la tête et les poils de la barbe avec
des pincettes, leur arracher les ongles avec des tenailles, larder
leurs corps avec des épingles, les pendre par les cheveux, par les
aisselles, par les pieds et par le col, les attacher au pied d’un
arbre et puis les y tuer, les faire rôtir au feu comme la viande à
la broche, leur jeter de la graisse flamboyante sur le corps tout
nu, faire dégoutter des chandelles ardentes sur leurs yeux, les
jeter dans le feu, les empêcher nuit et jour de dormir, battre des
chaudrons sur leur tête jusqu’à leur faire perdre le sens, les
déchasser de leurs maisons à coups de bâton ; les rattraper,
les traîner dans les prisons, dans les cachots, dans la boue, dans
la fiente, les y faire mourir de faim, après s’être dévoré les
doigts de la main ; les traîner à l’Amérique, aux galères, aux
gibets, aux échafauds, aux roues et aux flammes, violer filles et
femmes aux yeux des frères et des maris attachés et garrottés,
déterrer les corps morts, les traîner par les rues, leur fendre le
ventre, leur arracher les entrailles, les jeter dans les eaux, aux
voiries, les exposer aux chemins publics, les faire dévorer aux
bêtes sauvages…, tout cela et mille autres choses de même nature
sont des témoignages du zèle inconsidéré de ceux qui persécutent
les enfants de Dieu, sous prétexte de leur rendre
service. »
Avec les terribles moyens qu’employaient les
missionnaires bottés pour venir à bout de la constance de leurs
hôtes, nul ne se sentait assez sûr de lui-même pour affronter les
terribles dragons, chacun se disait qu’il en viendrait peut-être à
faire comme le président du Parlement d’Orange, lequel, disait
cyniquement Tessé, « aspirait à l’honneur du martyre et fût
devenu mahométan, ainsi que le reste du Parlement, si je l’eusse
souhaité ».
La terreur des dragonnades, grandissant de
jour en jour, on voyait des villes entières se convertir à
l’arrivée des troupes.
À Metz, le jour de l’arrivée des dragons,
l’intendant convoque à l’hôtel de ville, tous les huguenots de la
localité, et presque tous signent,
séance tenante
, l’acte
d’abjuration qu’il leur présente, en leur disant que la volonté du
roi est qu’ils se fassent catholiques.
Un bourgeois de Marseille conte ainsi comment
se fit la conversion de la ville : « Le second novembre
1685, jour du saint dimanche, est arrivé en cette ville cent
cavaliers, dits dragons, avec les noms des huguenots habitants en
cette ville, allant à cheval à chaque maison desdits huguenots lui
dire, de par le roi, si veulent obéir à l’arrêt du roi
ou aller
dès à présent en galères et leurs femmes à l’Amérique
. Pour
lors, voyant la résolution du roi, crient tous à haute voix :
Vive le roi ! et sa sainte loi catholique, apostolique et
romaine, que nous croyons tous et obéirons à ses
commandements ! dont MM. les vicaires, chacun à sa
paroisse, les ont reçus comme enfants de l’Église, et renoncé à
Calvin et Luther. M. le grand vicaire les oblige d’assister
tous les dimanches au prône, chacun à sa paroisse, et les vicaires,
avant de commencer la prière, les appelle chacun par Son nom, et
eux de répondre tout haute voix :
Monsieur
,
suis
ici
. »
Un jour, sur l’annonce de l’arrivée des
dragons, toute la population huguenote du pays de Gex s’enfuit
affolée, passe la frontière et se réfugie à Genève. Le laboureur
avait laissé sa charrue et ses bœufs sur le sillon commencé, la
ménagère apportait avec elle la pâte, non encore levée, du pain
qu’elle avait préparé pour mettre au four, les plus pressés avaient
passé le Rhône à la nage avec leurs bestiaux ; c’était là un
des premiers flots de l’émigration qui allait bientôt inonder tous
les pays de l’Europe.
Dans la Saintonge, des populations entières
avaient quitté
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