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Les larmes du diable

Les larmes du diable

Titel: Les larmes du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christopher John Sansom
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croisés une ou deux fois dans la Cité, mais je me détourne toujours. Ils doivent me croire mort, ce qui est, au reste, le cadet de leurs soucis. »
    Nous empruntâmes un bateau jusqu’à l’embarcadère de Three Cranes, pour prendre ensuite vers le nord en direction de Lothbury. Je dus presser le pas pour rattraper Barak, qui avançait àlongues enjambées. Je ne tardai pas à ruisseler de sueur. À côté de la halle des épiciers, nous avisâmes deux gentilshommes en train de se gausser d’un mendiant assis dans l’encoignure de la porte, et dont le visage couvert de plaies purulentes et de croûtes était censé susciter la pitié des passants.
    « Allons, l’ami, tu devrais te faire soldat, disait l’un. Tout le monde doit répondre présent à l’appel, pour combattre le pape et les ennemis du roi. » Il sortit son épée de son fourreau de cuir et l’agita. Effrayé, le mendiant, qui semblait incapable de se relever, et encore plus de prendre les armes, se recula tant bien que mal en poussant des grognements rauques, comme un muet.
    « Il ne parle pas l’anglais, ajouta l’autre. C’est peut-être un étranger ? »
    Barak s’approcha, une main sur le pommeau de son épée, prêt à en découdre avec le jeune homme. « Laissez-le tranquille. À moins que vous vouliez vous mesurer à moi ? »
    Les yeux de son interlocuteur se plissèrent, mais il rengaina son épée et s’éloigna. Barak prit une pièce dans sa poche et la posa à côté du mendiant. « Allons-y », fit-il d’un ton sec.
    « Voilà un geste courageux », dis-je. L’inscription sur le tonneau de feu grégeois me revint à l’esprit : Homo homini lupus .
    Barak eut un rire bref. « Ces gueux ne peuvent se battre que contre des malheureux incapables de se défendre. » Il cracha par terre. « On appelle ça des gentilshommes ! »
    Nous arrivâmes à Lothbury Street. Devant nous se dressait l’église St Margaret, entourée d’une multitude de ruelles bordées de petits bâtiments où résonnaient des bruits métalliques. À cause du vacarme incessant, presque personne, hormis les fondeurs, n’habitait là.
    « Dame Gristwood nous retrouvera à la fonderie où travaille son fils, dis-je. Allons-y, c’est à Nag’s Lane. »
    Nous tournâmes dans un étroit passage entre deux maisons à un étage. Des cendres et des fragments de charbon se mêlaient à la poussière de l’allée, où l’air se chargeait de l’odeur âcre du fer brûlant. Presque toutes les maisons avaient un atelier attenant. Par les portes ouvertes, on voyait les ouvriers évoluer à l’intérieur. Des pelles raclaient le sol tandis qu’on jetait le charbon dans les fours d’où sortait une lueur rouge vif. Ce travail devait être effroyablement pénible par pareille chaleur.
    Enfin, je m’arrêtai devant une petite maison. La porte de l’atelier était fermée. Barak frappa deux fois avant qu’un jeune homme sec portant un épais tablier sur un vieux sarrau constelléde traces de brûlures vienne enfin nous ouvrir. Il nous dévisagea d’un œil soupçonneux. Il avait les traits maigres et aigus de dame Gristwood.
    « Messire Harper ? demandai-je.
    — Oui.
    — Je suis messire Shardlake.
    — Entrez, répondit le fondeur d’un ton rien moins qu’aimable. Ma mère est là. »
    Je le suivis dans la petite fonderie. Un four éteint dominait la pièce, flanqué d’un tas de charbon. Une collection de pots s’alignait devant la porte. Dame Gristwood, assise sur un tabouret dans un coin, m’adressa un signe de tête maussade.
    « Eh bien, messire avocat, le voilà. »
    Harper désigna Barak d’un signe de tête. « Qui est-ce ?
    — Mon assistant.
    — Nous autres fondeurs, nous nous serrons les coudes, annonça-t-il en manière d’avertissement. Si je pousse un cri, tout Lothbury arrivera à la rescousse.
    — Nous ne vous voulons aucun mal. Nous cherchons seulement des informations. Votre mère a dû vous dire que nous aimerions avoir des renseignements sur les expériences de Michael et de Sepultus ?
    — Oui. » Il s’assit à côté de sa mère et me regarda. « Ils voulaient faire fabriquer quelque chose, un dispositif composé de cuves et de pompes. Cela n’entrait pas dans mes compétences, mais je coule souvent du métal pour un homme qui travaille pour la Cité et répare les conduites d’eau.
    — Peter Leighton.
    — Oui. J’ai aidé maître Leighton à couler le fer pour les tuyaux et la cuve. » Il scruta mon visage avec intérêt.

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