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Les larmes du diable

Les larmes du diable

Titel: Les larmes du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christopher John Sansom
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Heslop m’adressa un regard lourd d’ennui. « Vous n’êtes pas à la cour de la chancellerie, mon cher confrère. Quels sont les enjeux juridiques ? »
    Je vis le hochement de tête complaisant de Bealknap, mais je saisis la balle au bond. « Je ne faisais que commencer, Votre Honneur. Je peux vous citer cinq ou six affaires qui confirment la souveraineté du Conseil de la Cité sur les biens monastiques en cas de nuisance. » Je tendis des copies desdites affaires et en résumai les principaux arguments. Pendant que je parlais, je vis que les yeux du juge étaient vitreux, et mon cœur se serra. Quand un juge a cette expression-là, cela signifie qu’il a pris sa décision. Néanmoins, je poursuivis mon argumentation vaille que vaille. Lorsque j’eus terminé, Heslop grogna et fit un signe de tête à la partie adverse.
    « Messire Bealknap, qu’avez-vous à dire ? »
    Bealknap se leva et salua. Avec ses traits maigres rasés de frais et sa mine pleine d’assurance, il était l’image même de l’avocat respectable. Il hocha la tête et sourit, comme pour signifier : « Je suis un honnête homme qui va vous dire le fond de cette affaire. »
    « Votre Honneur, commença-t-il, nous vivons une époque de grand changement pour notre ville. La chute des monastères a mis sur le marché pléthore de terrains. Les loyers sont bas et leshommes entreprenants doivent faire de leur mieux pour mettre leurs investissements à profit. Sinon, nous courons le danger de voir des sites monastiques tomber en ruine et devenir des repaires de vagabonds. »
    Heslop approuva du chef. « Si fait, et c’est à la Cité que reviendra la charge de s’en occuper.
    — J’ai ici un précédent qui, je crois, réglera l’affaire à la satisfaction de Votre Honneur. » Bealknap fit passer au juge un document. « Frères prêcheurs contre le prieur d’Okeham , Votre Honneur. Un procès de nuisance intenté au prieur, renvoyé devant le Conseil privé puisque le monastère était sous l’autorité du roi. Comme le sont tous les monastères aujourd’hui. Je tiens donc que lorsque se pose une question concernant la charte originelle, elle doit être soumise au roi. »
    Heslop lut lentement le texte, hochant la tête. Je tournai les yeux vers la salle et me figeai en voyant un homme richement vêtu, encadré par deux valets, debout près de la barre. Les gens s’étaient écartés de quelques pas, comme s’ils redoutaient de l’approcher de trop près. Sir Richard Rich, en robe doublée de fourrure, me regardait fixement de ses yeux gris, froids comme une mer glacée.
    Heslop leva les yeux. « Eh bien, mon cher confrère, je ne vous contredirai pas. Je crois que ce précédent tranche la question. »
    Je me levai. « Votre Honneur, puis-je répondre à cela ? Les affaires que je vous ai soumises sont à la fois plus nombreuses et plus récentes… »
    Heslop fit non de la tête. « Il m’incombe de choisir le précédent qui exprime le mieux le droit civil, et l’affaire citée par notre confrère Bealknap est la seule qui traite directement du problème de l’autorité royale…
    — Mais notre confrère a acheté cette maison, Votre Honneur, donc un contrat est intervenu…
    — J’ai un ordre du jour très chargé, mon cher confrère. L’affaire est entendue aux dépens du plaignant. »
    Quand je quittai le tribunal, Bealknap souriait. Je regardai là où j’avais aperçu Rich tout à l’heure, mais il avait disparu. Je n’étais pas surpris de le voir à Westminster Hall, car son propre fief des Augmentations n’était pas loin, mais pourquoi m’avait-il fixé de la sorte ? Je rejoignis Vervey et Barak, qui m’attendaient ensemble. Je rougis en pensant qu’à deux reprises Barak m’avait vu perdre — l’affaire d’Elizabeth et celle-ci — alors qu’en général j’étais fier de mes succès. « Vous me portez le mauvais œil quand vous venezme voir plaider, lançai-je d’un ton maussade pour cacher mon embarras.
    — Cette décision est monstrueuse ! s’écria Vervey avec indignation. Elle bafoue la loi.
    — En effet. J’ai le regret de vous dire, monsieur, que je vous conseille de porter l’affaire devant la chancellerie, malgré le coût élevé que cela suppose. Sinon, ce jugement permettra à tous les acquéreurs de propriétés monastiques à Londres de faire fi des règlements de la Cité… »
    D’un coup de coude, Barak m’avertit de me taire. Bealknap était arrivé à côté de moi. Je

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