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Les larmes du diable

Les larmes du diable

Titel: Les larmes du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christopher John Sansom
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réfléchit un moment. « Avez-vous vu le mural de Holbein en entrant ? me demanda-t-il.
    — Oui, Votre Grâce.
    — J’ai pensé en effet qu’il attirerait votre attention. Ne le trouvez-vous pas réaliste ? On dirait que les personnages sont prêts à descendre dans le vestibule, n’est-ce pas ? » Il reprit la plume et se mit à arracher les quelques lames qui y restaient. « Le roi est magnifique là-dessus. Il a des mollets aussi épais et robustes que ceux d’un cheval de trait. Si vous le voyiez maintenant… L’ulcère de sa jambe le fait tant souffrir que, certains jours, on le roule dans un petit chariot pour qu’il circule dans le palais.
    — Votre Grâce, intervint Barak, il est dangereux de tenir de tels propos. »
    Cromwell agita une main. « Cela me soulage de parler, alors écoutez-moi. Je crois qu’il n’y aura plus de petits princes. Il est si malade que je suis persuadé qu’il n’est plus capable d’en faire. Et je crois que c’est ce qui l’a tant choqué quand il a vu Anne de Clèves : il s’est rendu compte qu’il ne pourrait plus lever son membre pour elle. Sans doute espère-t-il y parvenir avec la jolie petite Catherine, mais je n’en suis pas sûr. » Il arracha les derniers restes de la plume et jeta la tige nue. « Et s’il ne peut pas, dans un an, ce sera la faute de Catherine comme aujourd’hui c’est celle d’Anne. Et là, Norfolk se retrouvera en disgrâce une fois de plus. Je veux durer jusque-là. »
    Malgré la chaleur de la pièce, je frissonnai en entendant la façon implacable et calculatrice dont il parlait du roi. Dire qu’iln’était plus capable d’engendrer d’enfants frisait le crime de lèse-majesté. Cromwell releva les yeux, le visage crispé.
    « Eh bien, vous semblez fort perplexes. » Son regard passa de Barak à moi. « Si vous échouez et si la démonstration n’a pas lieu, vous pouvez vous attendre à des représailles. Vous avez entendu Norfolk. Alors, réussissez. » Il soupira profondément. « Et maintenant, laissez-moi. »
    J’ouvris la bouche, mais Barak me toucha le bras et secoua vivement la tête. Nous saluâmes à nouveau avant de sortir. Barak referma la porte très doucement. Grey leva vers nous un regard inquiet. « Vous a-t-il donné des instructions ?
    — Non. Seulement de vous demander de nous dire où loge messire Kytchyn.
    — J’ai le renseignement ici. » Il fouilla dans un tiroir, écrivit l’adresse et me la tendit. « Lui et les Gristwood composent une bien étrange maisonnée, me dit-il en essayant de sourire.
    — Je vous remercie. Prenez soin de vous, messire Grey. »

29
    A ssis dans un coin du B arbary T urk , où Barak avait donné rendez-vous au marin de la Baltique, nous attendions. La taverne était un antre sombre qui sentait à la fois la bière rance et l’eau de la Tamise, étant située sur la berge du fleuve. Par le fenestron, j’apercevais Vintry Wharf, où se trouvaient de nombreux entrepôts. Ce qui me rappela que celui dont on m’avait retiré la vente était tout près de là, à Salt Wharf.
    Comme il était encore tôt, il n’y avait pas grand monde. Au milieu de la pièce, accroché par des chaînes à une des poutres du plafond, était suspendu un énorme fémur, trois fois plus gros que celui d’un homme. Lorsque nous étions arrivés et que Barak était allé chercher de la bière au bar, j’avais regardé la plaque qui y était fixée : Jambe d’un géant des anciens temps, pêchée dans la vase de la Tamise, 1518. L’année où j’étais arrivé à Londres. En effleurant l’objet, je le fis osciller doucement au bout de ses chaînes. Il était froid et à le toucher on aurait dit de la pierre. Pouvait-il vraiment provenir d’un géant ? Assurément, l’humanité revêtait parfois de bien curieuses formes. Je songeai à mon dos tordu, et à la jambe malade du roi, source de tous ses déboires conjugaux. Un contact sur mon bras me fit sursauter. Ce n’était que Barak, qui m’indiquait le coin le plus sombre de la salle.
    Nous avions passé un après-midi décevant, surtout après que Cromwell avait souligné l’urgence de la situation. Nous avions pris un bateau pour retourner à Temple Stairs, puis regagné Temple Lane à pied.
    Leman nous y attendait. En route pour Lincoln’s Inn, je m’aperçus hélas qu’il n’était plus à jeun. Une fois qu’il en eut franchi l’entrée, il jeta des regards inquiets aux bâtiments imposants ainsi qu’aux avocats en robe

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