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Les larmes du diable

Les larmes du diable

Titel: Les larmes du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christopher John Sansom
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cependant. Vous devez vous préparer au pire, Joseph.
    — Non, messire. Tant que vous vous occupez de notre affaire, je garde espoir.
    — Préparez-vous au pire », répétai-je. Guy avait beau jeu de parler des mérites des bonnes œuvres. Il n’avait pas à comparaître devant le juge Forbizer le jour de la prochaine séance d’assises, lui.

4
    A près ma visite à N ewgate , je me dirigeai vers mon cabinet de Lincoln’s Inn, à deux pas de chez moi. Lorsque le roi Edward III avait décrété qu’aucun magistrat n’aurait le droit d’exercer dans l’enceinte de la ville, nous obligeant à déménager hors les murs, il nous avait rendu un grand service, car le collège des avocats était un lieu presque rural, avec de grands vergers et des prés derrière : les champs de Lincoln’s Inn.
    Je passai sous les hautes tours carrées de Great Gate, laissai Chancery aux écuries et me dirigeai vers mon cabinet, traversant Gatehouse Court. Le soleil brillait gaiement sur les bâtiments de brique rouge et une petite brise soufflait ; nous étions trop loin des murs de la Cité pour que les odeurs de Londres pénètrent jusque-là.
    Des avocats circulaient d’un pas décidé ; la session d’été commençait une semaine plus tard, et il fallait mettre de l’ordre dans les affaires. Aux toges et toques noires des avocats se mêlaient aussi, comme d’habitude, les vêtements de ville des inévitables jeunes gentilshommes en pourpoint de couleurs vives et braguette légèrement outrée. Ils paradaient, ces fils de la bourgeoisie qu’on envoyait fréquenter les collèges uniquement pour qu’ils apprennent les manières de Londres et se fassent des relations. J’en vis passer deux qui étaient manifestement allés chasser le lapin dans la garenne toute proche de Coney Garth, car deux chiens fringants couraient sur leurs talons, les yeux rivés sur les dépouilles sanglantes que leurs maîtres portaient à l’épaule, suspendues à des bâtons.
    Puis j’avisai une grande silhouette mince qui descendait le chemin du palais, celle de Stephen Bealknap, contre qui je devaisplaider à la cour du banc du roi dans quelques jours. Arborant son habituel sourire aimable sur son visage d’aigle, il vint me saluer. La courtoisie exige des avocats, même lorsqu’ils sont adversaires dans les procès les plus épineux, qu’ils observent les règles de la civilité. Mais les manières amicales de Bealknap sentaient quelque peu la dérision, comme s’il annonçait : « Vous savez que je suis un gredin, mais vous êtes obligé de vous montrer poli avec moi. »
    « Mon cher confrère ! s’exclama-t-il. Encore une chaude journée. À ce compte-là, les puits seront bientôt taris. »
    En temps normal, j’eusse répondu brièvement à sa remarque et passé mon chemin, mais je me dis qu’il pourrait peut-être me donner un renseignement. « En effet, répondis-je. Le printemps a été sec. »
    Ma civilité inaccoutumée fit apparaître un sourire sur son visage. Un visage qui semblait aimable tant que vous ne vous en approchiez pas assez pour remarquer la bouche mince et mesquine, ni les yeux bleu pâle qui ne vous regardaient jamais en face, même si vous les fixiez. Il s’échappait de sa toque quelques mèches de cheveux blonds frisés, rudes comme du crin.
    « Notre procès est fixé à la semaine prochaine, au premier juin, dit-il.
    — Oui. C’est arrivé très vite. Vous avez déposé votre appel en mars seulement. Je suis encore surpris, mon cher confrère, que vous ayez porté l’affaire devant la cour du banc du roi.
    — On y respecte mieux la propriété. Je montrerai aux magistrats le cas des Frères prêcheurs contre le prieur d’Okeham .
    Je ris discrètement : « Je vois que vous êtes allé compulser les archives des assises des nuisances, mon cher confrère. Cette affaire-là porte sur un point différent et elle remonte à deux siècles. »
    Il me rendit mon sourire, cependant que ses yeux fuyaient. « Elle crée un précédent. Le prieur a allégué qu’il n’était pas du ressort du conseil de statuer sur un problème de nuisances dues à son caniveau défectueux.
    — Parce que son prieuré relevait directement de l’autorité du roi. Mais ce n’est pas le cas du prieuré de St Michael puisque vous en êtes franc-tenancier. Et à ce titre, responsable de toutes les nuisances qu’il engendre. J’espère que vous avez de meilleurs arguments à invoquer. »
    Ne voulant pas se laisser entraîner

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