Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les larmes du diable

Les larmes du diable

Titel: Les larmes du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christopher John Sansom
Vom Netzwerk:
froid que dans le reste de la prison, mais de plus l’humidité sournoise qui y régnait était encore plus pénible que l’odeur fétide. Le sol était couvert d’une paille dégoûtante, souillée par toutes sortes d’immondices agglutinées. Blottie dans un coin se trouvait une grosse femme âgée, vêtue d’une robe de tiretaine tachée. Elle dormait à poings fermés. Je regardai autour de moi, d’abord étonné de ne voir personne d’autre. Puis je découvris que, dans le coin le plus éloigné de laporte, la paille avait été entassée de façon à cacher une silhouette humaine, dont on ne voyait que le visage noir de crasse, entouré d’une chevelure emmêlée aussi brune et bouclée que celle de Joseph, et qui fixait sur nous le regard vide de ses grands yeux noisette identiques à ceux de son oncle.
    Joseph traversa le cachot. « Lizzy, dit-il d’un ton de reproche. Pourquoi as-tu fait un tas de paille autour de toi comme cela ? Elle est répugnante. As-tu froid ? »
    La jeune fille ne répondit pas, les yeux dans le vague, ne pouvant ou ne voulant pas nous regarder en face. Sous la crasse, elle avait un joli visage fin, aux pommettes hautes. À travers la paille, on devinait une main sale, que Joseph voulut saisir, mais sa nièce eut un brusque mouvement de recul, sans changer d’expression.
    « Je t’ai apporté des fleurs, Lizzy », dit Joseph. Le regard de la jeune fille effleura le bouquet, puis croisa celui de son oncle. Avant qu’elle ne détourne à nouveau les yeux, je remarquai non sans surprise qu’ils étaient pleins de rage. Sur la paille étaient posés un cruchon de bière et une assiette de morue. Le repas apporté par Joseph, sans doute. Elle n’y avait pas touché, de gros cafards grouillaient sur le poisson desséché.
    « Elizabeth, dit Joseph d’une voix qui tremblait légèrement, je suis venu avec messire Shardlake. C’est un avocat, l’esprit le plus subtil de Londres. Il peut t’aider. Mais il faut que tu lui parles. »
    Je m’accroupis de façon à pouvoir la regarder en face sans m’asseoir sur cette paille infecte. « Demoiselle Wentworth, dis-je d’une voix douce, m’entendez-vous ? Pourquoi vous taire ainsi ? Gardez-vous un secret ? Le vôtre, ou celui d’un autre ? » Je m’interrompis. Elle ne bougeait pas, continuant à me fixer comme si j’étais transparent. Dans ce silence ambiant, le bruit des pas dans la rue au-dessus paraissait amplifié. Soudain, l’irritation me gagna.
    « Vous savez ce qui se passera si vous refusez de plaider ? Vous subirez le supplice de la presse. Le juge devant lequel vous comparaissez samedi est un homme sans pitié et sa sentence ne fait aucun doute. On vous a dit en quoi consistait ce supplice ? » Toujours pas de réponse. « C’est une mort lente. L’agonie peut durer plusieurs jours. »
    À ces mots, ses yeux s’animèrent et se fixèrent sur les miens, mais guère plus d’une seconde. J’y vis un tel abîme de souffrance que je frissonnai.
    « Si vous acceptez de vous confier à moi, je serai peut-être en mesure de vous sauver. Il y a des solutions à envisager, quels quesoient les événements survenus ce jour-là près du puits. Qu’est-il arrivé, Elizabeth ? Je suis votre avocat, je ne le répéterai à personne. Nous pouvons demander à votre oncle de sortir si vous préférez me parler seul à seul.
    — Pour sûr, dit Joseph. J’irai volontiers attendre dehors. »
    Elle garda néanmoins le silence et se mit à ramasser des brins de paille d’une main.
    « Oh ! Lizzy, s’exclama Joseph. Tu devrais être en train de lire, de faire de la musique, au lieu d’être couchée là, dans cette affreuse prison. » Je me déplaçai pour pouvoir regarder la jeune fille droit dans les yeux. Je venais de remarquer un détail.
    « Elizabeth, je sais que des gens sont venus jusqu’ici pour vous observer et se moquer de vous. Or vous cachez votre corps, mais pas votre visage. Oh, je me doute que cette paille est immonde, mais si vous dissimuliez votre tête, les gens n’auraient rien à voir. On dirait presque que vous consentez à vous donner en spectacle. »
    Elle frissonna et, l’espace d’un instant, je crus avoir eu raison de sa résistance. Mais elle serra les dents. Ses muscles se contractèrent. Après quelques instants de silence, je me relevai péniblement. À ce moment-là, j’entendis un bruit de paille froissée de l’autre côté du cachot et, quand je me retournai, j’aperçus la vieille

Weitere Kostenlose Bücher