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Les larmes du diable

Les larmes du diable

Titel: Les larmes du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christopher John Sansom
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sur ce terrain, il se mit à examiner les manches de sa toge sans répondre. « Mon cherconfrère, dis-je d’un ton léger, nous verrons bien. Mais, puisque nous nous sommes rencontrés, puis-je vous poser une question sur un autre sujet ? Assisterez-vous à la session de samedi ? » Je savais que Bealknap se livrait à nombre d’activités louches, qu’il faisait notamment comparaître des témoins à décharge au tribunal des évêques, et qu’à cette fin il venait souvent rôder au tribunal de l’Old Bailey pour y recruter d’éventuels clients. Il me jeta un regard circonspect.
    « Peut-être.
    — C’est le juge Forbizer qui préside, je crois. Quel temps consacre-t-il aux affaires en général ?
    — Le moins possible, répondit-il en haussant les épaules. Vous savez bien que ces juges de la cour du banc du roi estiment que s’occuper de voleurs et d’assassins n’est pas digne d’eux.
    — Mais Forbizer est un excellent juriste, bien qu’il manque de compassion. Je me demandais s’il serait susceptible de prendre en considération un argument légal en faveur d’un accusé. »
    La curiosité se lut aussitôt sur le visage de Bealknap et son regard brillant croisa un instant le mien. « Le bruit court qu’on a retenu vos services pour l’infanticide de Walbrook. J’ai dit que cela m’étonnait, parce que vous êtes spécialiste du droit de propriété.
    — L’infanticide présumée, ai-je rétorqué. Elle comparaît devant Forbizer samedi.
    — Vous n’irez pas loin avec lui, estima Bealknap d’un ton satisfait. Comme tout bon bibliste, il méprise les pécheurs et fait en sorte qu’ils reçoivent au plus vite le châtiment mérité. Elle ne doit s’attendre à aucune miséricorde de sa part. Faute de prouver son innocence, elle sera exécutée. »
    Il plissa les yeux, se demandant manifestement s’il pouvait tirer avantage de la situation. Mais je ne lui aurais pas posé cette question dans ce cas.
    « C’est bien ce que je pensais, dis-je d’un ton léger. Mais merci quand même. Je vous souhaite le bonjour !
    — Je viendrai vous écouter samedi, cher confrère, cria-t-il tandis que je m’éloignais. Et bonne chance, vous en aurez besoin ! »
     
    C’est de fort méchante humeur que je pénétrai dans les petites pièces en rez-de-chaussée que je partageais avec mon ami Godfrey Wheelwright. Dans le premier cabinet, mon clerc, John Skelly, examinait un acte de cession qu’il venait de rédiger, une expression lugubre sur son visage maigre. C’était un petit jeune hommerabougri dont les cheveux bruns et longs formaient des queues-de-rat. Bien qu’il n’eût pas encore vingt ans, il était marié et avait un enfant. Je l’avais engagé l’hiver précédent par pitié pour sa pauvreté manifeste. Ancien élève de l’école de St Paul 6 , il connaissait bien le latin, mais n’était pas bon à grand-chose par ailleurs ; il écrivait mal et égarait sans cesse des papiers, comme je l’avais dit à Guy. Il leva vers moi un regard penaud.
    « Je viens de finir l’acte de cession de Beckman, monsieur, marmonna-t-il. Je suis désolé d’avoir mis si longtemps. »
    Je le lui pris des mains. « Il aurait dû être prêt il y a deux jours. Y a-t-il du courrier ?
    — Sur votre bureau, monsieur.
    — Bien. »
    Je passai dans mon cabinet, qui manquait d’air et de clarté ; des grains de poussière dansaient dans le rai de lumière qui venait du fenestron donnant sur la cour. J’ôtai ma toge et ma toque, m’assis devant ma table et pris ma dague pour briser les sceaux des lettres. Je fus surpris et déçu en constatant que j’avais encore perdu une affaire. J’avais été mandaté pour acheter un entrepôt à Salt Wharf, or voilà que mon client m’écrivait sans ambages pour me dire que le vendeur s’était retiré et que mes services n’étaient plus requis. J’examinai cette lettre. La transaction était curieuse. Mon client était avoué au Temple et l’entrepôt devait être acheté à son nom, ce qui signifiait que l’acheteur voulait que son identité reste secrète. C’était la troisième fois en deux mois qu’un client me retirait brusquement une affaire sans raison.
    Fronçant les sourcils, je mis la lettre de côté et pris l’acte de cession. Il était grossièrement calligraphié, avec une tache d’encre au bas de la page. Skelly pensait-il qu’un travail aussi bâclé passerait ? Il allait falloir qu’il recommence : une perte de temps qui me

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