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Les larmes du diable

Les larmes du diable

Titel: Les larmes du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christopher John Sansom
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inspira péniblement. « Elle est devenue toute raide quand elle les a vus. Incapable de bouger. Je l’ai assise et j’ai dit que j’allais chercher de l’aide, mais, en arrivantà la porte, je me suis sentie mal et je n’ai pas pu faire un pas de plus… » Elle se cramponnait à Barak.
    « Vous êtes une fille courageuse, Susan, dit-il. Pensez-vous pouvoir nous conduire auprès de votre maîtresse ? »
    La fille lâcha la porte. Frissonnant en voyant les traces de pas sanglantes à l’intérieur, elle avala sa salive et, serrant bien fort la main de Barak, s’engagea dans le couloir.
    « À voir les empreintes, ils étaient deux, murmurai-je. Un grand et un petit.
    — Nous voilà dans un joli bourbier », souffla-t-il.
    Nous suivîmes Susan dans une vaste cuisine qui donnait sur une cour dallée. La pièce était assez mal tenue, avec une cuisinière noire de crasse et un plafond passé à la chaux où s’étalaient des auréoles brunâtres. Je me dis que les grands projets de Gristwood ne lui avaient guère rapporté. Devant la table patinée par les ans était assise une petite femme plus âgée que je ne m’y attendais, qui portait un tablier blanc sur une robe bon marché. Des mèches de cheveux gris s’échappaient de sa coiffe blanche. Elle était assise toute droite, les mains crispées sur le rebord de la table, la tête tremblante.
    « Elle est sous le choc, la pauvre », déclarai-je.
    La servante s’approcha d’elle. « Madame, dit-elle d’une voix hésitante, ces messieurs que vous voyez là vont nous aider. »
    La femme sursauta et fixa sur nous des yeux égarés. Je levai une main apaisante. « Dame Gristwood ?
    — Qui êtes-vous ? demanda-t-elle, soudain méfiante.
    — Nous étions venus pour voir votre mari et son frère. Susan a dit qu’en rentrant vous avez trouvé la porte défoncée…
    — Ils sont là-haut, chuchota dame Gristwood. En haut. » Elle croisa si fort ses mains décharnées que les articulations blanchirent.
    « Pouvons-nous aller voir ? » demandai-je.
    Elle ferma les yeux. « Si vous en avez le courage.
    — Susan, restez ici et occupez-vous de votre maîtresse. Venez, Barak. » Il hocha la tête. S’il éprouvait le même saisissement et la même crainte que moi, il n’en laissait rien paraître. Comme nous sortions, Susan alla s’asseoir près de sa maîtresse et lui prit timidement la main.
    Nous repassâmes devant la tapisserie, dont le style montrait qu’elle était fort ancienne, et montâmes l’étroit escalier en bois menant au premier. Ici, on sentait nettement que la maison était bancale : certaines marches étaient de guingois et une grandefissure courait sur le mur. Les traces de pas étaient plus nombreuses, et le sang frais.
    En haut de l’escalier, plusieurs portes donnaient dans le couloir, toutes fermées, hormis celle qui se trouvait juste en face de nous. Comme la porte d’entrée, elle avait été fracturée et ne tenait que par un seul gond. Je pris une profonde inspiration et entrai.
    La pièce, grande et bien éclairée, occupait toute la longueur de la maison. Une curieuse odeur un peu soufrée y flottait. Des textes en latin étaient peints sur les grosses poutres du plafond. Je déchiffrai : Aureo hamo piscari . « Pêcher avec un hameçon d’or. »
    Personne ici ne pêcherait plus. Un homme en robe d’alchimiste tachée était étalé de tout son long sur un banc renversé, au milieu d’un indescriptible désordre de cornues et de tuyaux cassés. Son visage, effroyablement écrasé, n’était plus qu’une bouillie rouge d’où sortaient des esquilles d’os, des dents et des bouts de cervelle grise. Au milieu de l’horrible masse, un iris bleu me fixait. Je sentis mon estomac remonter dans ma gorge et me détournai rapidement pour examiner le reste de la pièce.
    L’atelier était sens dessus dessous. Partout, du verre brisé et d’autres bancs renversés. À côté d’une haute cheminée gisaient les restes d’un grand coffre cerclé d’acier dont il ne restait plus qu’un tas de lattes brisées, les bandes de métal avaient été déchiquetées. Celui qui avait manié la hache — tout semblait indiquer que c’était l’arme du crime — devait être doté d’une force peu commune.
    À côté du coffre, Michael Gristwood gisait sur le dos. Son corps était à demi recouvert d’une carte de plans astraux tombée du mur et qui avait trempé dans son sang. Il avait la tête presque détachée du cou. Un jet

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