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Les larmes du diable

Les larmes du diable

Titel: Les larmes du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christopher John Sansom
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certains. Nous attachâmes nos chevaux à un piquet. Le gardien, un énorme bonhomme, les observait avec indifférence. Barak s’approcha de lui et, désignant les apprentis, lui demanda : « Corbleu, mais que font-ils donc ?
    — Ils récoltent la mousse de cimetière. Sir Richard fait vider celui des moines. À en croire les apothicaires, dit le gros homme en haussant les épaules, la mousse qui pousse sur le crâne des morts est excellente pour le foie, et ils ont envoyé les apprentis ici pour en faire provision. » Il plongea sa main dans sa poche, d’où il sortit un petit bijou d’or en forme de croissant. « Il y a de bien étranges choses enterrées ici. Ce moine était allé aux croisades, fit-il en clignant de l’œil. Voici mon petit cadeau pour avoir laissé les garçons fouiller.
    — Nous sommes ici en mission, dis-je. Nous devons rencontrer un certain Kytchyn.
    — Service du comte Cromwell », ajouta Barak.
    Le portier hocha la tête. « L’homme que vous cherchez est déjà arrivé, je l’ai autorisé à entrer dans l’église. » Il nous dévisagea, les yeux plissés par la curiosité.
    Je me dirigeai vers le porche d’entrée. Le gardien hésita un instant, puis s’effaça pour nous laisser passer. Je me figeai net faceà la scène que je découvris de l’autre côté de la grande porte. La nef de la grande église avait été abattue et il n’en restait plus qu’un gigantesque amas de décombres hérissés de poteaux et de poutres en bois. L’extrémité nord était encore debout, et un immense mur de bois avait été dressé pour la protéger des intempéries. La plupart des cloîtres environnants avaient été détruits, eux aussi, et la salle capitulaire dépouillée de tout le plomb qu’on avait pu y trouver. Derrière le prieuré, j’aperçus la belle demeure qu’avait achetée sir Richard Rich. Du linge qu’agitait le vent séchait à une corde dans le jardin de derrière, où trois petites filles jouaient entre les draps qui claquaient, scène étrangement incongrue au milieu des ruines environnantes. J’avais déjà vu des monastères détruits — à cette époque, rares étaient ceux qui n’avaient pas contemplé ce spectacle — mais jamais avec un tel acharnement. Un silence sinistre planait sur le site dévasté.
    Barak rit en se grattant le crâne. « Reste pas grand-chose, hein ?
    — Où sont les ouvriers ?
    — Si le travail est sous l’autorité des Augmentations, ils ne doivent pas commencer de bonne heure. Ils savent qu’ils seront bien payés. »
    Je le suivis vers une porte ménagée dans la palissade en bois. Toute ma vie, je n’avais eu que mépris pour ces grandes églises monastiques prospères, que l’on entretenait pour l’agrément d’une douzaine de moines ; et quand le but de la fondation était d’abriter un hôpital, le gaspillage paraissait encore plus indécent. Cependant, en suivant Barak, je dus reconnaître que ce qui restait de l’intérieur de l’église St Bartholomew était magnifique. Les murs s’élevaient à une hauteur de cent cinquante pieds en une série d’arches soutenues par des piliers richement peints d’ocre et de vert, et montaient vers une rangée de vitraux. La palissade empêchant la lumière d’entrer au sud, ce qui restait de l’intérieur de l’église était très sombre. Les niches jadis occupées par les reliquaires des saints étaient vides et les chapelles latérales avaient été dépouillées de toutes leurs statues. Cependant, près du chevet de l’église, il restait un grand tombeau orné d’un dais. Un cierge brûlait devant, le seul dans un bâtiment où, jadis, des milliers eussent été allumés. Une silhouette était agenouillée devant le tombeau, tête baissée. Je perçus une vague odeur épicée, vestige de siècles d’encens.
    Entendant nos pas résonner sur le sol pavé, l’homme se retourna. Grand et mince, il portait un froc blanc, et une masse de cheveux gris encadrait son long visage inquiet. Il pouvait avoirune cinquantaine d’années. Le regard qu’il nous lança était méfiant. Il esquissa un mouvement de recul, comme s’il souhaitait pouvoir se fondre dans l’ombre du mur.
    « Messire Kytchyn ? demandai-je.
    — Oui. Messire Shardlake ? » Il avait une voix curieusement haut perchée et jeta à Barak un regard si inquiet que je me demandai si ce dernier ne l’avait pas un peu rudoyé la veille. « Pardonnez-moi pour le cierge, messire, dit-il rapidement. Je… un

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