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Les Lavandières de Brocéliande

Les Lavandières de Brocéliande

Titel: Les Lavandières de Brocéliande Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edouard Brasey
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remords.
    Son chien aux allures de loup jappa doucement, sensible à la souffrance de son maître. Hubert ôta sa main de la pierre et fourragea dans l’épaisse toison de son fidèle compagnon.
    – Mon brave Kidu, tu es tout ce qu’il me reste. Annaïg est partie, Rozenn aussi. Elles étaient les deux rayons qui illuminaient mon existence, même si la première m’était inconnue et la seconde réservée à mon fils. Il ne me reste que cet ingrat de Philippe, qui me fuit autant que je le fuis, et cette sotte de Françoise dont je ne supporte plus la présence… Et Maëlle, bien sûr. Celle par qui tous ces malheurs sont arrivés.
    Il se releva avec peine, s’aidant de sa canne dont il balaya les feuilles mortes qui s’étaient amassées sur la tombe.
    – Ma petite Annaïg, cela fait presque vingt ans que se pressent dans ma tête les mots que je comptais te dire le jour où, enfin, je te rencontrerais. À présent que tu es là, devant moi, ces mots me semblent vides de sens. Il est trop tard. Je ne peux pas dire que je t’aimais, puisque je ne t’aipas connue. Et je ne sais pas ce que je regrette le plus : que tu sois morte aujourd’hui ou que tu sois née un jour.
    Le baron extirpa un mouchoir de sa poche et, après s’être essuyé les yeux, dont il n’aurait su dire s’ils étaient mouillés de larmes ou de pluie, il se moucha bruyamment. Il était temps de partir, de fuir ce cimetière où il ne recevrait aucune réponse à ses questions. Il entama un signe de croix puis se ravisa. À quoi bon ? Il était sans religion et ne croyait pas en un au-delà. Ou plus exactement, il ne voulait pas y croire, car il le redoutait trop.
    Il tourna brusquement le dos à la sépulture qui ne tarderait pas à sombrer dans l’oubli et l’abandon et, après avoir sifflé son chien, rejoignit la calèche où somnolait le gros Mathurin.

    – Tu ne me sers pas la goutte ? Je crois que nous en avons bien besoin tous les deux.
    Dahud éprouvait un sentiment d’étrangeté. Elle était assise en face d’Hubert, dans la pénombre de son oté . Tous deux se trouvaient exactement dans la même posture que le mois précédent, jour pour jour. Et pour les mêmes raisons : l’échange d’une enveloppe craquante de billets contre un remède censé apaiser les maux de Philippe. Au-dehors, il pleuvait de la même façon et les chemins étaient embourbés comme tous les automnes. La nuit était simplement tombée un peu plus tôt. Pour le reste, on eût dit la répétition du même tableau figé dans le temps.
    La différence, pourtant, était énorme. Un mois plus tôt, Annaïg était encore vivante, arpentant les bois de Brocéliande pour y cueillir les herbes qui soignent et qui tuent. Aujourd’hui, elle reposait sous terre, sa vie et sa jeunesse envolées à jamais. Du pacte qui unissait Dahud et Hubertne subsistaient plus que des rituels dont la raison d’être avait disparu.
    Et puis, elle n’était plus seule en face du baron. Elle sentait à ses côtés la présence de l’autre, la lavandière de sang qui avait élu domicile dans le miroir et avec qui elle tenait de longs conciliabules. Elle était pourtant effrayante à voir, cette sorcière ridée au sourire vicieux planté de chicots qui riait quand elle riait, levait les bras lorsqu’elle les levait, marchait de long en large dans l’ oté au même rythme qu’elle. Mais Dahud n’en avait pas peur. Elle lui ressemblait tant. Et puis elles étaient désormais indéfectiblement liées l’une à l’autre. Depuis la fameuse nuit où Annaïg était montée dans la charrette de l’Ankou, la lavandière de sang qui ricanait était devenue sa complice, son alliée, presque sa sœur jumelle.
    La vieille lavandière se leva et, après avoir cligné de l’œil à l’intention de son double dissimulé dans le miroir, s’en alla quérir la bouteille d’eau-de-vie et deux petits verres. Elle revint s’attabler et servit Hubert avant de remplir son propre godet. Ils trinquèrent et avalèrent à la va-vite le tord-boyaux, sans oser dire à qui ou à quoi ils consacraient leur libation. À la mémoire d’Annaïg défunte, à leur longue complicité nourrie par le malheur ou au salut de leur âme.
    – Je suis allé la voir avant de venir ici, confessa Hubert en reposant brusquement son verre vide sur la table.
    – Moi, j’y suis pas retournée, répondit Dahud, les yeux dans le vide. J’ai pas eu le cœur.
    – Je comprends, répondit Hubert qui ne

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