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Les Lavandières de Brocéliande

Les Lavandières de Brocéliande

Titel: Les Lavandières de Brocéliande Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edouard Brasey
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comprenait pas, mais qui ne savait pas quoi dire d’autre.
    Puis il se tut.
    Dahud les resservit. Ils en avaient besoin pour délier leurs langues sèches et leurs gorges serrées.
    – Qu’est-ce qu’on va devenir ? interrogea enfin Hubert, sans s’adresser spécialement à sa compagne de boisson.
    La femme en deuil ajusta son regard sur le visage décomposé du baron.
    – Tu le sais bien, ce qu’on va devenir… Tu le sais depuis tout ce temps. C’est la malédiction de la fée de Barenton qui s’acharne sur nous et nos enfants.
    – Mais pourquoi nos enfants en premier ? Pourquoi pas nous ?
    – Pour ajouter à notre châtiment la souffrance de les voir mourir avant nous…
    Le baron leva son verre et le porta à ses lèvres. Ce lambig était vraiment de mauvaise qualité et mettait le feu aux entrailles. Son goût amer était pourtant du miel en regard du fiel qui empoisonnait son corps et son esprit.
    – Pardonne-moi, Maëlle, mais la seule qui soit morte, c’est Annaïg. Je m’en attriste autant que toi, mais pour l’instant il n’y a pas d’autres vies en danger.
    – T’oublies le bébé de Rozenn… Eh oui, les nouvelles vont vite dans le village. Même si vous avez tout fait pour garder le secret sur sa grossesse… et sur sa fausse couche. Et ça va pas s’arrêter là, tu vas voir…
    Disant ces mots, elle lorgna du côté de la fiole contenant le médicament destiné à Philippe qu’elle avait posée sur la table, près de l’enveloppe à laquelle elle n’avait pas encore touché.
    – Tu vas attirer le malheur avec tes histoires de sorcière, bougonna le baron.
    – Il est déjà là, le malheur, t’en fais pas. Et il va pas s’en r’tourner de sitôt ! Il nous aura tous, les uns après les autres. Souviens-toi, nous étions cinq. Nous voilà plus que trois. Edern et Solenn sont partis les premiers. Nous leur avons survécu trop longtemps. Notre heure viendra bientôt, très bientôt… Et ça sera bien fait ! Mais avant qu’on nousflanque dans le trou, l’fossoyeur aura encore du travail, tu verras !
    Elle vida son verre d’un trait, comme pour célébrer par avance ces horribles menaces.
    Le baron l’observa d’un air torve.
    – On dirait que ça te fait plaisir…
    – Qu’est-ce que tu veux y faire ? La mort attire la mort, comme l’or attire l’or. On y peut rien. Alors, tant qu’à mourir, autant qu’on soit pas seuls dans l’corbillard. Au moins, on s’retrouv’ra tous ensemble à danser le jabadao chez ce bon vieux Satan goz.
    Dahud se resservit un troisième verre d’eau-de-vie. Hubert retourna son verre sur la table. Il avait assez bu comme cela et sa compagne recommençait à délirer et prononcer des imprécations. Il n’avait pas envie de s’attarder davantage.
    Il se leva de table en s’aidant de sa canne, empocha la fiole et se dirigea vers l’entrée de la bicoque, suivi de Kidu. Avant de pousser la porte de l’ usset , il se retourna une dernière fois en direction de Dahud.
    – On se revoit dans un mois ?
    – C’est pas la peine, Hubert. On est quittes, à c’t’heure… J’en veux plus, de ton argent. Il me servira à rien, là où j’irai bientôt.
    – Mais…, ajouta le baron en agitant le remède qu’il retira de sa poche.
    – Ça s’ra pas la peine non plus, ricana Dahud. Les herbes, c’est Annaïg qui allait les chercher. Moi, j’ai plus les jambes ni les yeux qu’il faut. Alors, ton Philippe il a intérêt à l’économiser, son flacon. Ça sera le dernier qu’il aura de la vieille Dahud. Oui, le dernier !
    Le baron s’engouffra dans les ténèbres de la nuit et s’éloigna rapidement de cette maison soudain inhospitalière.Mais le rire dément de la vieille Maëlle le poursuivit longtemps. Un rire dont l’écho lui donna l’impression désagréable qu’il n’y avait pas une seule personne qui riait dans la demeure de la lavandière, mais deux.

39
    Mercredi 1 er décembre 1943
    – Mon père, pardonnez-moi si je ne connais plus mes prières. Cela fait longtemps que je ne suis venue m’entretenir avec vous. Trop longtemps, sans doute.
    – Trop longtemps, ma fille, en effet. Mais je me permets de vous reprendre sur un point : ce n’est pas avec moi que vous vous entretenez, comme vous dites, mais avec le Seigneur. Je ne suis que son intercesseur, un simple intermédiaire. Je vous écouterai, mais c’est lui qui vous apportera les réponses.
    Françoise s’était agenouillée devant la

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