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Les Lavandières de Brocéliande

Les Lavandières de Brocéliande

Titel: Les Lavandières de Brocéliande Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edouard Brasey
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direction et se mit à pousser un ricanement amer.
    – Et tu l’as cru ? Ma pauvre fille, tu es encore plus bête que je ne pensais ! Si tu te mets à prendre au mot les curéset les nobles, t’auras pas fini d’en avaler, des couleuvres ! Ils sont doués pour la parlotte, ça, je dis pas. Mais pour le reste, tu peux toujours courir. Les beaux espoirs et les grands serments, c’est pour endormir les pauvresses comme nous, tu entends ? Le curé, il connaît que ses boniments sur les miracles et le paradis… Et ton Philippe, il a eu ce qu’il voulait. S’il t’a pris le ventre, c’est sûrement pas pour avoir des enfants, crois-moi. Allez, arrête de lambiner et va faire chauffer l’eau.
    La jeune fille demeurait sans voix. Elle était tellement secouée par ce que lui révélait sa mère qu’elle abandonna d’un coup toute volonté. Courbant l’échine comme un chien battu, elle prit une cruche et s’en alla chercher de l’eau au-dehors.
    Dahud était prise d’une sorte de frénésie. Tout en concoctant son mélange de plantes, elle marmonnait.
    – Bon, une bonne dose d’hysope, c’est radical… Ça suffisait pas d’Hubert… Voilà que Philippe court sur les traces de son père. Tel père, tel fils… C’est dans leur sang, ces cochonneries-là. Et une bonne poignée de sauge et d’armoise, ça aidera… Les femmes, c’est rien pour ces hommes-là… Y a rien à y faire… Y a qu’à subir… Subir ? Tu vas voir un petit peu… Ah, j’allais oublier de mettre de la rue. C’est bon aussi, la rue, pour décrocher l’embryon… La Dahud, elle est pas née de la dernière pluie. Elle a plus d’un tour dans son sac et elle connaît les plantes. Celles qui guérissent et celles qui tuent… Ah ! j’allais oublier le plus important : un bon verre d’absinthe et une larme s’arsenic.
    Annaïg était revenue avec son broc. Elle en versa le contenu dans une casserole qu’elle plaça sur le fourneau. Elle attisa le feu en fourrageant avec des pincettes, puis prit soin de les poser loin de l’âtre, car l’on prétendait que les tisonniers rougis occasionnaient des souffrances aux âmesdes défunts qui séjournaient en purgatoire. Elle agissait sans réfléchir, comme un automate, la tête et le cœur vides.
    Dahud jeta dans la casserole la brassée de plantes qu’elle avait sélectionnée et se mit à touiller la mixture jusqu’à ce que l’eau se mette à frémir.
    – Ça va être amer, je te préviens… Et tu vas devoir boire les trois litres d’un coup. Avec un peu de chance, ça suffira à décrocher le têtard…
    La décoction tournait en une teinte maronnasse peu ragoûtante et exhalait des odeurs qui prenaient à la gorge.
    – Ça va pas être aussi bon qu’un coup de cidre ou de gwin ruz , ça, c’est sûr, continuait Dahud. Mais ton contentement, tu l’as déjà eu avec Philippe. Maintenant, c’est à la douleur que tu vas goûter. Tu vas enfin savoir ce que c’est qu’être une femme. Une minute de plaisir pour une vie de souffrance. C’est comme ça, pour nous autres, et pas autrement…
    La vieille lavandière ôta la casserole du fourneau et laissa les plantes macérer un moment pendant que l’eau refroidissait. Annaïg était toujours sans réactions, tétanisée. Elle avait épuisé toutes les forces de ses espoirs et de ses révoltes. Il ne lui restait plus qu’à démissionner, de sa vie et de ses rêves. Subir. Souffrir. Tel était le lot des femmes.
    Lorsque la potion fut prête, Dahud la filtra, afin d’enlever toutes les impuretés, et la tendit à sa fille.
    – Maintenant, bois !
    Annaïg prit le pot à deux mains. Il était lourd et son contenu sentait mauvais. En fronçant le nez, elle but une gorgée qu’elle recracha aussitôt.
    – Pouah ! C’est infect !
    – Bois, je te dis ! la sermonna Dahud. Y a que ça à faire… Tu vas te vider un bon coup et on en parlera plus.Et la prochaine fois, tu fêteras pas la noce avant d’avoir la bague au doigt.
    Annaïg porta de nouveau le pot à ses lèvres et absorba le liquide en grimaçant. Elle s’interrompit, hors d’haleine, le visage congestionné.
    – Je peux pas… C’est trop mauvais… Ça me soulève le cœur. Je crois… je crois que je vais vomir…
    – Tu dois tout boire, que j’te dis ! Jusqu’à la dernière goutte, sinon ça te fera rien ! Bloque ta respiration et avale tout.
    Dahud força la bouche de sa fille pour qu’elle ingurgite la potion. Elle lui

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