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Les Lavandières de Brocéliande

Les Lavandières de Brocéliande

Titel: Les Lavandières de Brocéliande Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edouard Brasey
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hésité à célébrer une messe d’enterrement pour l’âme d’un suicidé. Fou de rage, l’évêque de Vannes dont il dépendaitl’avait puni en le nommant recteur de cette église du bout du monde. L’abbé avait vu dans cet exil non un châtiment mais un défi. Ce n’était pas l’évêque, mais Dieu qui l’avait envoyé ici afin de reconstruire ce temple négligé de tous.
    L’abbé avait de grandes idées dans la tête et la foi chevillée au corps, mais cela ne suffisait pas à monter des échafaudages et charrier des pierres. Depuis son arrivée, l’église prenait toujours l’eau et personne ne venait y prier. Mais cela n’empêchait pas le prêtre de concevoir dans les moindres détails les plans de son église future. Une église imaginaire et idéale qui, pour l’instant, demeurait prisonnière du domaine des songes comme une princesse endormie.
    Cette église, l’abbé Guilloux en avait longuement rêvé. Un rêve, il en était certain, que lui avait adressé Dieu afin de lui montrer la mission qui désormais serait la sienne jusqu’à la fin de son existence sur terre : bâtir l’église du Graal, point de rencontre entre la foi chrétienne et l’ancienne foi des druides.
    La religion de la Bible était une religion du désert, née dans des contrées de soleil et de sable, de soif et de poussière. Il s’agissait d’une religion orientale, une religion du soleil levant. Ici, en ces terres de Bretagne situées à l’extrême occident, c’est vers le soleil couchant que l’on se tournait spontanément. À la religion du désert, il fallait substituer celle de la forêt, des arbres, de l’eau et de la brume. À la Bible d’Orient il fallait adjoindre la Bible d’Occident. Or, cette Bible existait. Il s’agissait du livre saint de la quête du Graal et des chevaliers de la Table ronde. L’abbé Guilloux serait le prophète de cette nouvelle Évangile sylvestre. L’Évangile du Graal caché en forêt de Brocéliande.
    Son rêve lui avait montré clairement l’aspect de l’église du Graal lorsqu’elle serait achevée. Il en avait conservé dans sa mémoire le schéma précis. En se tournant vers les murslézardés ou les ouvertures lépreuses, il pouvait voir, comme en surimpression, les tableaux, vitraux et mosaïques qui, un jour, parachèveraient son grand œuvre.
    Les fonts baptismaux seraient encadrés de deux mosaïques figurant une tête de bélier et une queue de poisson, l’alpha et l’oméga, le commencement et la fin de toutes choses. L’une des deux chapelles latérales, la chapelle Saint-Eutrope, en mosaïque rouge, couleur de la charité, aurait pour la protéger une grille ornée de poissons, symbole chrétien, et de triskèles, symbole celtique, pour bien marquer l’alliance entre les deux cultures trop longtemps opposées. L’autre chapelle, toute tendue du bleu de l’espérance, serait vouée à la Vierge. C’est là, sous une simple dalle de granit, que le prêtre aimerait reposer.
    Sur les parois de l’église, Ernest Guilloux imaginait aussi un chemin de croix dont les douze premières stations auraient pour cadre la forêt de Brocéliande. Il voyait même, à la neuvième station, une fée Morgane vêtue de rouge avec, à ses pieds, le Christ effondré sous le poids de sa croix. À la treizième station, l’abbé visionnaire se représentait déjà Joseph d’Arimathie en train de recueillir le sang du Christ dans la coupe du Graal. Ce Graal en émeraude verte qui figurerait au centre d’un vitrail érigé dans le chœur, au-dessus de Joseph d’Arimathie agenouillé devant Jésus.
    Les tableaux se succédaient ainsi devant les yeux éblouis du prêtre : les chevaliers de la Table ronde rassemblés devant les mets délicieux et abondants que leur dispensait le Saint-Graal ; Yvain et le bassin d’or provoquant les enchantements de la fontaine de Barenton ; l’ensorcellement de Merlin par la fée Viviane ; Lancelot affrontant Morgane, la fée noire, au Val-sans-Retour pour libérer ses compagnons prisonniers de leurs illusions ; le chevalier de Ponthus combattant pourla main de la belle Sydoine ; Éon de l’Étoile, le moine fou de Concoret.
    Il rêvait enfin d’une gigantesque fresque retraçant l’épisode de la quête du Graal dans lequel Galaad aperçoit un cerf blanc et quatre lions rouges, animaux surnaturels évoquant Jésus et les quatre évangélistes. Le cerf blanc, surtout, avait sa préférence, avec sa chaîne d’or en

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