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Les lions diffamés

Les lions diffamés

Titel: Les lions diffamés Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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doute être tous satisfaits.
    Dans un clapotement de sabots, il quitta son officine.
    Il y réapparut presque aussitôt, portant sur son avant-bras au poignet gainé de cuir un haubert qu’il souleva deux ou trois fois.
    — Ah ! messire baron, expliqua-t-il d’une voix doucereuse, en voilà un qui vous contentera. Je l’avais rangé depuis un an. Il doit peser…
    — Qu’importe ! fit Blanquefort. Ce jouvenceau doit s’accoutumer au poids des mailles.
    — C’est de la treslie, messire.
    — Je vois, je vois.
    — Ce haubert était destiné…
    — À un damoiseau, cela se conçoit… Allons, Ogier, passe-moi ces anneaux et qu’on n’en parle plus !
    Le garçon endossa le vêtement avec l’aide de l’armurier.
    — Ce sont des mailles à la façon de Chambly [117] , messire baron.
    — Bon, bon ! dit Guillaume. Dunoyer, tu as l’œil exercé : ce haubert lui va bien.
    — Te sens-tu à l’aise, mon gars ? interrogea le sénéchal.
    — Oui, messire, dit Ogier qui se sentait pourtant gêné aux emmanchures et aux plis des coudes.
    — Eh bien, dit Guillaume à l’armurier, donne-lui aussi une ceinture et une épée. Mais dis-moi d’abord le coût de cette merveille.
    Tandis que son oncle et Blanquefort négociaient le prix du vêtement, Ogier marcha dans la pièce. Il y avait des heaumes, des barbutes sur des étagères ; il n’osa, cependant, exprimer son envie de s’en coiffer. Le haubert était froid, lourd, contraignant, mais c’était son premier habit de guerre. Un instant, un sourire de fierté décolla ses lèvres, puis son visage se rembrunit : c’eût été à son père de lui offrir pareil harnois.
    Il saisit l’épée que Dunoyer lui présentait. Elle était longue de deux pieds, large, avec des quillons droits. Elle avait servi : cela se voyait à la matité de sa prise et aux quelques stries de sa lame. Il l’enfonça dans son fourreau de cuir renforcé de viroles de fer, et lorsqu’elle fut en place, de biais sur le devant de sa jambe gauche, Blanquefort s’exclama :
    — Te voilà presque un prud’homme ! Maintenant, nous pouvons partir. Nous avons dilapidé nos fortunes, mais cela en valait la peine.
    Les chevaux d’Ailly s’étant révélés bien meilleurs que Guillaume ne le pensait le jour de leur acquisition, il fut décidé qu’Ogier monterait le moreau, la jument devenant bête de somme.
    — Elle ne se fatiguera pas, dit le sénéchal à la recherche d’une plaisanterie susceptible de rompre une mélancolie tenace. Nous sommes venus à Rouen sans autre fardeau que nos armes, nous repartirons de même… avec l’amertume en plus.
    Guillaume haussa les épaules. Le sort de la jument lui était indifférent : il était heureux d’avoir retrouvé Baucent, son destrier, lequel, en le voyant réapparaître, lui avait manifesté sa joie par des ruades et des hennissements. Blanquefort chevaucherait Veillantif, un cheval gris, placide. Une flèche l’avait éborgné. Il portait sur le côté droit de sa tête une œillère de cuir rouge frappée d’une étoile d’or.
    Ils quittèrent le Poisson bleu à l’aube et parvinrent aux abords de Louviers vers midi.
    — À quoi bon entrer en ville et perdre quelques écus à une table d’hôte ? fit le baron qui n’avait cessé d’ouvrir la marche. Arrêtons-nous donc là, débridons nos chevaux et mangeons.
    Il désignait un ruisseau courant entre deux haies de frênes et de roncières. L’herbe autour était haute et des oiseaux chantaient.
    — Soit, dit Blanquefort en mettant pied à terre.
    Ogier l’imita et l’aida à desseller les bêtes. Quand elles furent abreuvées, Guillaume tira d’une besace portée par la jument une terrine de pâté, une miche et quelques morceaux de viande rissolée la veille au soir sur la broche de maître Felletin.
    — Mangeons, dit-il.
    Son repas avalé, Ogier alla se désaltérer au ruisseau, puis il s’étendit à l’ombre.
    Il faisait bon. Aucun souffle d’air. Nul autre bruit que ceux des mâchoires des chevaux broutant l’herbe, et les voix des deux hommes évoquant leurs combats. Les oiseaux ne piaillaient plus. Des papillons et des guêpes voletaient au-dessus des marguerites et des coquelicots.
    « On est bien », songea le jouvenceau.
    Il n’était certes pas heureux, mais quiet, engourdi de douce confiance, les nerfs et les muscles lâches, et si éprouvé par ses courses et ses émois que le sommeil, soudain, l’assomma, lourd, sans

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