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Les mannequins nus

Les mannequins nus

Titel: Les mannequins nus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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pensons les obliger à venir avec nous aussi longtemps que nous le jugerons utile.
    Le signal de l’attaque serait donné au crématorium n° 1 par des signaux lumineux faits avec une lampe baladeuse. Le crématorium n° 2 les transmettrait aussitôt au n° 3 qui, à son tour, les communiquerait au n° 4. Le projet me paraît d’autant plus réalisable qu’aujourd’hui, en dehors du crématorium n° 1, il n’y a d’incinération nulle part ailleurs. Même dans le crématorium n° 1 le travail sera fini à 6 heures du soir et le Sonderkommando n’aura pas de travail de nuit. En de semblables circonstances, la surveillance des S.S. se relâche aussi. Dans chaque crématorium, la garde est composée de trois hommes.
    Nous nous séparons, la consigne étant que, jusqu’au moment du signal, chacun accomplisse son travail comme d’habitude et évite tout acte susceptible d’éveiller des soupçons.
    Pour retourner dans ma chambre, je traverse de nouveau la salle des fours. Mes compagnons travaillent, mais leurs mouvements dénotent plus de lassitude que d’habitude. Je rapporte la situation à mes deux confrères, mais je ne dis rien au garçon de laboratoire. Il va être entraîné par l’accomplissement des faits sans qu’il soit besoin que je lui en parle dès maintenant.
    Le temps s’écoule avec une lenteur de plomb. L’heure du déjeuner est arrivée. Nous consommons tranquillement notre repas, puis nous sortons dans la cour du crématorium pour nous réchauffer aux derniers rayons du soleil d’automne. Je remarque que nos gardes S.S. sont invisibles. Ils sont probablement dans leur chambre et cela n’a rien d’extraordinaire, car c’est déjà arrivé plus d’une fois. Les portes sont fermées. Au-dehors le service est assuré par les S.S. du camp. Ceux-là sont à leur poste. Je n’accorde donc aucune importance à l’absence de nos gardes. Je fume tranquillement ma cigarette. Savoir que cette nuit nous serons peut-être hors des barbelés m’a soulagé de la lourde pesanteur que j’ai ressentie depuis mon arrivée au K.Z. Même si l’entreprise ne réussit pas, c’est en m’évadant que je préfère mourir.
    *
*   *
    Midi trente. Dans les quatre crématoires, les responsables (147) de la révolte déterrent les armes, distribuent grenades et cocktails d’écrasite. Le signal d’attaque ne sera pas lancé avant 21 heures.
    Quatorze heures. Un camion pénètre dans la cour du crématoire n° 3. Soixante-dix S.S. en armes investissent l’ensemble du quartier. Un jeune officier ordonne au Sonderkommando de s’aligner pour l’appel. Les déportés refusent. Certains quittent la cour. L’officier grimpe sur le marchepied du camion :
    — Hommes, par ordre supérieur, puisque vous avez assez travaillé ici, vous allez être dirigés en convoi dans un camp de travail. Là vous aurez assez à bouffer et votre vie sera plus facile. Que ceux dont je vais lire le numéro viennent s’aligner.
    L’officier égrène les matricules. Il commence par le groupe hongrois composé de très jeunes détenus. Les déportés se placent le long du mur de la cour et pendant que l’officier poursuit l’appel, une dizaine de S.S. encadrent les Hongrois qui sont conduits à l’extérieur du crématoire.
    L’officier répète le numéro. Pas de réponse. Une fois encore…
    Une bouteille explose à ses pieds. Plusieurs soldats s’écroulent. D’autres tirent dans tous les sens. Deux armes automatiques apparaissent à une fenêtre et arrosent la cour.
    Au crématoire II des bouteilles d’essence sont renversées et enflammées devant la porte d’accès.
    Le toit du crématoire III se soulève, la cheminée se brise, les murs se gonflent. Quatre fûts d’essence viennent d’exploser. Plusieurs dizaines de déportés sont ensevelis sous les débris.
    — Dans (148) le crématorium n° 1, le travail s’est poursuivi normalement jusqu’à ce que le n° 3 ait sauté. Le bruit de l’explosion a porté au paroxysme l’excitation déjà exacerbée par l’attente. Dans les premiers instants personne ne sait ce qui se passe. Les chauffeurs abandonnent leurs fours, se rassemblent en groupe à l’extrémité de la salle pour essayer d’évaluer la situation et prendre une décision. Ils n’ont pas le loisir de prolonger cet instant, car le S.S. de garde s’approche d’eux et d’une voix rauque, s’adressant au chauffeur en chef, lui demande de quel droit ses hommes ont quitté les

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