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Les masques de Saint-Marc

Les masques de Saint-Marc

Titel: Les masques de Saint-Marc Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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personne qui vous observera en train de vous servir de cette arme, conclut Girandoni avec un sourire, sera impressionnée.

36
    Parfois, Tron s’étonnait de la facilité avec laquelle il passait du palais Tron au palais Balbi-Valier, de la frugalité à l’abondance. Un esprit moins solide, pensait-il alors, aurait eu du mal à supporter une telle douche écossaise. Lui, au contraire, appréciait le changement. Il trouvait que le charme de l’un accroissait celui de l’autre. Les pièces spacieuses et bien chauffées de la princesse lui paraissaient encore plus luxueuses quand il imaginait le froid humide de chez eux. À l’inverse, l’atmosphère de mélancolique décrépitude qu’il appréciait tant dans le palais de ses ancêtres lui semblait d’autant plus précieuse lorsqu’il songeait au caractère un peu nouveau riche du domicile de sa fiancée.
    De même, l’ éclair qu’il était en train de déguster lui rappelait inévitablement les petits pains au rabais de la comtesse et la confiture aux mouches, ce qui en relevait d’autant le goût. Pouvait-il en prendre un quatrième sans courir le risque d’une discussion pécuniaire ? Il se pencha au-dessus de la table sans quitter des yeux la princesse. L’observait-elle déjà ? Non. Elle fixait l’étui à cigarettes qu’elle tenait à la main et semblait plongée dans ses pensées. Sans doute réfléchissait-elle à ce qu’elle venait d’entendre.
    — La théorie d’Holenia, remarqua-t-elle enfin, me semble digne des romans de Bossi.
    — Il l’a en effet accueillie avec enthousiasme, approuva le commissaire. Néanmoins, elle expliquerait pourquoi on a dérobé le cercueil pour le restituer aussitôt. Même si j’ai du mal à imaginer que ce « on » soit Zorzi.
    — Tu le connais si bien que cela, ce Zorzi ?
    — Nous partagions le même banc au séminaire patriarcal. Mais nous nous sommes perdus de vue lors de son exil. J’ignorais par exemple qu’il avait servi dans l’armée de Sardaigne et participé à la guerre de Crimée.
    — Encore faut-il que ce soit vrai…
    — Holenia n’a aucune raison de me mener en bateau.
    — L’idée que Zorzi travaille à la fois pour le Comitato Veneto et pour les renseignements de Turin n’en reste pas moins assez hasardeuse.
    — Pourquoi ? Turin souhaite l’unification italienne, et le Comitato Veneto le ralliement à Turin.
    — Tu crois Zorzi capable d’un assassinat ?
    — Il vaudrait mieux parler d’un homicide ! Commis pour empêcher un drame plus grave. Un attentat contre la personne de l’empereur aurait des conséquences désastreuses. Je préfère encore deux cadavres.
    — Qu’est-ce que tu comptes faire maintenant ?
    Tron haussa les épaules.
    — J’attends que Bossi se manifeste. Il enquête pour savoir si Zorzi était au casino dimanche soir. Dans le cas contraire, il faudra découvrir au plus vite où il se cachait.
    — Et que te dit ton intuition ?
    — Elle ne marche que pour la poésie.
    — Cela ne répond pas à ma question.
    — Mon intuition me dit que Zorzi est hors de cause. Et que nous n’avons toujours pas compris de quoi il retourne.
    — Vous allez transmettre l’affaire ?
    — Cela dépend des découvertes de Bossi. De toute façon, ajouta-t-il dans un soupir, la décision revient à Spaur, qui a besoin d’un succès – déjouer un attentat par exemple – pour obtenir l’autorisation de se marier.
    — Nous aussi, nous avons besoin d’un succès, observa la princesse. Qu’en est-il du collier dérobé par l’assassin de Ziani ? Si Zorzi est à l’origine de ces crimes, il doit l’avoir caché quelque part.
    Elle sortit une cigarette de son étui et l’alluma.
    — Que dirais-tu d’une rafle ?
    — Au casino Molin ?
    — Par exemple.
    — Les casinos sont placés sous l’autorité de l’armée. Pour une perquisition, il nous faut un ordre de mission de Toggenburg. En dehors de cela, je ne suis toujours pas convaincu de la culpabilité de Zorzi.
    — Où loge-t-il ?
    — Près de l’église des Gesuati.
    — Vous n’avez qu’à jeter un coup d’œil dans ses placards en son absence, suggéra Maria. Si vous y trouviez le collier, vous tiendriez l’assassin. Et tu pourrais le servir à Spaur sur un plateau d’argent.
    — On croirait entendre Bossi. Deux phrases sur trois sont au conditionnel. Attendons de savoir ce qu’il a appris.
    — En supposant qu’il ait appris quelque chose.
    Tron sourit.
    — Je suis sûr que c’est le cas. Et

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