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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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sombres dansait la flamme de la chandelle qu’elle tenait à la main pour mieux voir, sans doute, ce visage de gisant dont elle eût voulu sonder la cervelle.
    — Ton père se demande si je suis bien la bru qu’il lui fallait… Sois sans crainte : je ferai tout pour lui plaire.
    À lui aussi ! Allons, cette franchise témoignait de bonnes intentions et reflétait une jeunesse touchante… Touchante, car posant la chandelle sur la tablette, près du lit, elle se penchait : il sentit que sa main pétrissait son épaule et que son souffle devenait plus fort. Très près. Très près encore. Bouche entre-close, affamée. La main s’enfonçait dans les draps… et s’en enlevait d’un coup : on grattait à la porte.
    — Qui est-ce ? demanda Blandine à haute voix.
    Nulle réponse. Ogier se dressa sur un coude :
    — C’est Saladin. Il veut entrer.
    — On ne va tout de même pas ouvrir à cette bête !
    Ogier sentit le mécontentement l’envahir :
    — Il ne m’a pas vu pendant des mois, pour ainsi dire… Et c’est mon chien. Voilà plus de six ans qu’on dort de compagnie… N’importe quel coin lui suffit… Il ne comprendrait pas que je laisse ma porte close.
    — Il a bien dormi ailleurs quand tu vivais loin de Gratot !
    Blandine derechef se penchait. À ce regard, ce sourire qui semblaient être ceux d’une autre, comment n’eût-il pas deviné qu’elle voulait exercer sur lui un pouvoir qui, pour être doux, voluptueux même, n’en serait pas moins exorbitant. «  Elle va vouloir régner sur moi, on dirait ! » Bêtise énorme : elle régnait sur lui ! Il avait éprouvé à chacune de leurs rencontres, en même temps qu’un bonheur enivrant, une faiblesse merveilleuse : il se serait agenouillé à ses pieds. Sans qu’elle eût demandé ou exigé quoi que ce fût, il se fût répandu en un flot de promesses aussi franches qu’intenables. Et maintenant qu’il voyait sa poitrine par le col de sa chemise ; maintenant qu’elle penchait vers lui, dans leur coupe de satanin brodé, ces deux fruits tentateurs ; maintenant que ses lèvres allaient toucher sa bouche…
    — N’ouvre pas.
    Pourquoi disait-elle cela au moment même où Saladin gémissait ?
    — N’as-tu jamais eu un chien ?
    — Non.
    — Tu ne peux savoir combien ces êtres-là vous aiment. Saladin m’a suivi partout, sauf à Crécy, bien sûr, et quand je suis allé te chercher parce que je craignais de rencontrer des Goddons en chemin et qu’il connaissait peu les soudoyers que j’emmenais… Sache-le : il est bon et doux. Pour me sauver la vie, il se ferait occire.
    Assise au bord du lit, tête basse, Blandine tressait une mèche de ses cheveux. Ogier sentit sourdre en lui une chaleur pareille au désir ; mais c’était le désir de plaider la cause de Saladin. Il avait besoin de sa présence. Bien qu’il fût un animal, il ne pouvait pas l’offenser. C’était un compagnon discret, silencieux, attentif ; le confident des moments d’infortune dont les regards pouvaient être aimables, rassurants, courroucés ou moqueurs.
    Sortant du lit, Ogier montra un angle de la chambre :
    — Partout où nous avons couché, il s’est toujours tenu dans un coin, à senestre. J’avais mon épée à ma dextre…
    — Tu n’as pas ton épée. Tu peux aussi te priver de ton chien.
    Ogier ne releva pas cette réponse. Il continua :
    — Dans la journée, il est auprès de Marchegai, aux écuries. Et Péronne, la femelle, n’est pas loin.
    — Alors, si sa femelle est là-bas, qu’il y aille !
    Blandine résistait, ergotait ; c’était son droit. Ogier soupira un grand coup tant il lui paraissait incroyable qu’il fît preuve de tant de patience envers elle.
    — Ce n’est qu’une bête, Ogier… Si elle entrait…
    Elle la détesterait, sans doute. Peut-être sous l’effet de ses menstres, la jalousie avait-elle délivré en elle un démon jusque-là bien caché. Après Tancrède, Saladin. Elle rit :
    — Ton cheval est aussi un compagnon de choix… Va le chercher… Mais dis-lui d’ôter ses fers : je ne saurais dormir dans la frainte [195]  !
    Elle rit. Ogier se sentit las, égratigné, mais brusquement, il releva la clenche.
    Saladin entra, soufflant fort pour bien montrer son soulagement. Il contourna Blandine sans même flairer ses pieds nus et se lova dans le coin senestre de la pièce, puis se lécha l’épaule, sans bruit, doucement.
    — Il va dormir avec nous !
    — Non

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