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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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précédé l’arrivée de l’ost au bas du Val-aux-Clercs. Il n’en fut rien.
    Le vendredi 20, Fauquembergue reçut Philippe VI sans cérémonie, et le 22, Lumbres l’accueillit. Entouré de quelques notables, le mayeur, un grand maigre blanchoyant aux vêtements de fête passés en hâte, s’inclina tandis que trois pucelles se portaient en avant pour accomplir une génuflexion qui révélait au roi un bon tiers de poitrine.
    — Ah ! bon… fit-il.
    L’une lui présenta un drageoir plein de confiture sèche, l’autre un pichet et un hanap d’or qui peut-être était un petit ciboire, et la troisième une bottelée composée d’épis, de marguerites et de coquelicots.
    — Ah ! bien, dit-il en mettant sans aide pied à terre.
    Le duc de Normandie imita son père et le duc d’Orléans, après avoir guigné dans les camisoles entrecloses, en fit autant.
    — Bienvenue, sire ! cria le mayeur.
    L’aînée des jouvencelles, les paumes réunies autour de son drageoir, présenta les fruits confits au souverain, qui n’en prit qu’un seul. Ses fils abondamment se servirent.
    — On dirait, chuchota Joubert à l’oreille d’Ogier, qu’ils n’ont pas mangé depuis deux jours… Qu’en pensez-vous, messire ?
    — Je pense que ce sont les jolies pommes de ces pucelles qui semblent surtout allécher le duc Philippe… Six d’un coup et il n’a qu’une bouche et deux mains.
    Tinchebraye hoqueta ; Thierry dit : « Toi, alors… » tandis que le roi buvait le vin, empoignait les fleurs et remontait en selle – cette fois aidé par l’Henri.
    — Sire, dit le mayeur, nous pouvons mettre à votre disposition…
    — Rien, dit Philippe VI d’un ton sec. Nous sommes des guerriers, nos pavillons suffiront…
    Quelques maréchaux grognèrent, mais on avança, longeant les murailles courtaudes d’une cité qui avait souffert de l’Anglais et peut-être du Français ou du mercenaire.
    Après un petit trot, le roi jeta les fleurs en riant :
    — Holà, mes fils… Ces trois colombes… Seriez bien entrés dans leur colombier.
    L’armée se répandit autour de la cité. Les tentes du roi et des chefs à peine dressées, des bans furent publiés que cinq ou six hérauts clamèrent en tous sens : le pillage et les violences étaient interdits. Qui volerait ou violerait périrait sur la hart [326] . Défense était faite de s’écarter hors des limites fixées par les capitaines ; nul ne devrait prétexter de chercher du fourrage pour entrer, de jour, dans les granges, et comme les cuisines roulantes et le ravitaillement avaient suivi, nul ne pourrait alléguer de la faim pour tenter de se repaître d’un cochon ou d’une volaille ; enfin, nul ne devait mettre à profit les ténèbres pour essayer de s’introduire en ville : les portes en seraient gardées par les Génois. Ces recommandations parurent à certains complètement absurdes : l’Anglais était passé sur ces terres, vélocement, certes, mais il avait ruiné, tué, violé ; même les trois jouvencelles avaient dû subir ses ardeurs. « Alors, pourquoi pas nous ? » On se résigna, et dès la nuit tombée, aux chandelles, le roi tint son conseil devant son pavillon.
    Le duc d’Athènes, Gauthier de Brienne, connétable de France, recommanda la prudence au souverain, pour les prochaines lieues à couvrir : les Goddons pouvaient vouloir leur couper le chemin ; il fallait désigner des avant-gardes. Aussitôt le duc Jean s’esclaffa :
    — S’ils avaient cette intention, messire duc, nos ennemis guerpiront en nous voyant.
    — Savent-ils seulement que nous venons à eux ? interrogea le duc d’Orléans, le seul qui n’avait pas enlevé son armure, comme s’il craignait quelque assaut nocturne.
    — Ils le savent, dit Robert de Wavrin, approuvé par Jean de Hainaut.
    — Raison de plus, Saint-Venant, dit Guillaume Flotte, le chancelier de France, pour ne point trop nous attarder… N’est-ce pas, sire ?
    — Vous avez raison, Flotte !… Ne faisons pas attendre mon cousin Édouard !
    Le roi riait ; d’un geste, il mit un terme au conseil, et le dos plus courbé qu’à l’accoutumée, il se retira sous sa tente. Il y demeura presque deux jours « à pourpenser son assaut », selon ce qu’affirmaient ses fils et ses grands capitaines.
    Le 23, l’armée dont la dislocation ne faisait aucun doute s’immobilisa aux environs de La Montoire, le lendemain entre Ausques et Tournehem. Philippe VI voulut alors

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