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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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triste.
    Ogier s’apprêtait à répondre quand Le Hanvic demanda :
    — C’est quoi, messire, selon vous, l’amour du roi et de son épouse ?
    — De la rage, et encore de la rage ! La reine exige de départ du roi non pas vers Calais mais vers Paris…
    — Que va-t-il faire ?
    — Tu vas le savoir bientôt. Vois qui nous vient…
    — Merdaille, dit Thierry, le duc de Normandie… Que nous veut-il ?
     
    *
     
    Le prince Jean, souriant, s’approchait :
    — Quel beau cheval, Argouges, avez-vous là !
    Tandis que le fils du roi considérait attentivement Marchegai, le cheval l’observait de ses grands yeux d’onyx en couchant un peu les oreilles. Ses narines exhalaient un léger brouillard ; le gantelet du prince en fut aspergé quand il voulut toucher à son chanfrein.
    — Un noble animal… Un peu court peut-être, mais vigoureux… L’épaule oblique comme il sied, la poitrine profonde… Bonnes jambes… Bonnes jointures…
    Il caressa le cheval au garrot ; son gantelet descendit sur le poitrail et de son pouce il éprouva les tendons bien fouillés. Ogier laissait au destrier la bride lâche bien qu’il sentît, aux frémissements de ses flancs, que cette inspection commençait à lui déplaire.
    — Ce destrier doit être redoutable aux joutes…
    Le fils aîné du roi était-il bon jouteur ? En tout cas, il imaginait des courses fracassantes, et sans doute aussi de meurtriers tournoiements dans les mêlées, qu’elles eussent lieu avec des lames émoussées ou des tranchoirs homicides. Les doigts de fer revinrent au garrot de Marchegai et suscitèrent sur sa robe noire, luisante, des moires frissonnantes – comme un caillou tombant au fond d’un puits.
    — Voulez-vous me le vendre ?
    — Jamais, messire.
    Refus plus irritant qu’un Non sans courtoisie, dont Ogier n’eut aucun regret. Cet homme-là pouvait tout se permettre. Il régnerait un jour sur la France – s’il ne trépassait pas prochainement, percé d’une sagette ou d’une épée goddonne… à moins que ce ne fût d’un boulet de bombarde. Il semblait peu enclin à rire, sans doute parce que ce Guînes où il avait dormi lui rappelait des choses intimes, déplaisantes ; il se départit pourtant de sa réserve et se laissa aller un moment, tapotant de ses paumes couvertes de basane la pansière de son armure :
    — Par le nombril de notre Saint-Père le Pape, vous êtes prompt et vif, Argouges… Et j’aime ça !
    Ogier se demanda si ce prince à la hautaineté douceâtre n’allait pas le circonvenir d’amiabletés odieuses, mais, soudain songeur, Jean de Normandie poussa d’un cran l’ardillon de sa ceinture d’armes constituée d’anneaux d’argent alternés à des fleurs de lis d’or.
    — Moi aussi, j’aime mon cheval, et m’en offrirait-on un grand coffre de pierreries que je refuserais de m’en séparer… Votre armure est belle !
    — Pas autant que la vôtre, messire.
    C’était moins un vêtement de guerre qu’une sorte de parure destinée à des cérémonies dépourvues du moindre danger. La cuirasse gravée aux fleurs de lis, très affinée à la taille et bombée à la poitrine semblait avoir été forgée pour une femme. Elle se continuait en une longue baconnière composée de six lames à recouvrement fixées par des rivets et enveloppant le bas du torse. Un jupon de mailles tombait sur les cuissots et protégeait les reins. Les épaulières, garnies de velours d’azur en dessous, étaient de tailles différentes ; massives, elles devaient déjouer tous les coups, et si les solerets n’étaient pas prolongés de poulaines de fer, leur extrémité carrée prouvait que cette armure venait des Allemagnes : les pieds à l’aise dans ces défenses-là, on devait se sentir ferme sur le sol dès qu’on était obligé d’y combattre.
    — Bah ! De même que l’habit ne fait pas le moine, Argouges, vous savez aussi bien que moi que l’armure ne fait pas le chevalier !
    — Assurément, messire duc…
    — Hé bien, sur ces bonnes paroles, venez donc nous costier avec votre beau-frère… Je vois que mon père et Philippe sont enfin prêts… Hâtez-vous… Il me tarde d’entamer la bataille !
    Dans le camp, les soudoyers démontaient les dernières tentes ; les palefreniers bouchonnaient les chevaux déjà sellés, admonestés par des seigneurs prêts à partir. Toutefois, de grands barons passaient seulement leur armure. Une fois de plus, on allait perdre du

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