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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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Tournaisiens. Ils en étaient morts.
    Pente toute velue d’herbes hautes… Là-bas, sa bannière… Penchée comme si elle allait tomber… Tinchebraye aurait dû être là… Et si Thierry avait flairé la déconfiture, il eût fallu…
    Un taillant si rude qu’il faillit lâcher Confiance !
    Cet homme-là ne lui ferait jamais quartier. Qui était-ce ? Une sensation horrible : une sagette, tirée du haut de la tour, sans doute, lui traversait l’omoplate dextre.
    Il restait donc des Goddons ?… Qu’ils les tuent [386]  !… Qu’ils…
    Il mollissait. Son enragerie aussi.
    Essayant le tout pour le tout, il se fendit pour une estocade et ne trouva que du vide… Dans son élan, il perdit pied, chavira et roula sur la pente.
    « À genoux promptement !… Debout ! »
    L’autre, alourdi par son armure, ne pouvait courir, mais il arrivait, l’épée levée comme une hache.
    « Debout, Ogier !… S’il te faut mourir ce jour d’hui pour ce roi de merde nommé Philippe, que ce soit debout ! »
    Il retomba, se remit à genoux… Effort-tourment , mais il était debout. Mal aux reins, à l’oreille, à l’épaule… Une toux le secoua… Du sang poissait sa joue senestre et son cou.
    Il eut encore le sentiment que cet ennemi le connaissait et s’ébaudissait sous sa ventaille.
    Il se jeta sur lui tête baissée et lui porta, sous le colletin, une estocade aussi roide qu’il le pouvait ; mais ses mains tremblaient trop de peur, de fatigue et d’exaspération : la pointe de Confiance glissa.
    Rire encore ! Et plus loin, en bas, les rumeurs d’une bataille.
    « Il n’y en aura donc pas un qui verra que je suis en difficulté ? »
    Il chancelait, lui, Argouges. Il perdait son sang comme une passoire. Encore un coup de taille. Inutile… Mais que Confiance était lourde !
    D’un formidable taillant, l’autre tenta de lui fendre l’épaule.
    « Manqué ! »
    Il chancela, mit un genou en terre et se releva, haineux et hurlant, pour recevoir en plein coude le heurt de la lame adverse, à plat, heureusement.
    « Il mollit peut-être, lui aussi. »
    Il avait failli lâcher son arme. Reculer toujours… Toujours… Il étouffait. Ses yeux suivaient mal, dans la nuit, les luisances de l’épée anglaise.
    L’armure miroitait sous les premières clartés de lune, mais il distinguait mal les bras, de sorte qu’il ne pouvait prévoir l’élan et la force des coups.
    Il crut entendre un rire doux et moqueur. Blandine ?… Allons donc !
    Encore cette brillance !
    Sous le coup, il faillit à nouveau lâcher sa lame.
    Il haletait et voyait de plus en plus mal. Son corps le brûlait. S’appesantissait. Le cri aigre d’une mouette.
    La dernière…
    Cet atroce craquement dans sa poitrine… Estocade… Son cœur était-il touché ? Il était plein de frissons et soupirs, de férocité molle. Il se sentait environné de noir profond ; d’ombres… Ce qui était affreux, c’était le sentiment de se battre dans des conditions d’iniquité honteuses pour celui qui le dominait… Aucun chevalier digne de ce nom n’eût accepté un affrontement aussi peu conforme aux préceptes de l’Ordre. Il ne voyait pas les yeux de cet homme. Il n’entendait pas son rire. Seul son souffle lui parvenait parfois pareil à un rugissement… Parlerait-il avant de l’occire ? Lui, Argouges, ne savait plus manier son épée ! Il ne savait plus, même, où il était et comment, par quel miracle, il demeurait debout. Il aurait tout offert, même son âme au diable, pour être à Gratot, pour tenir une ultime fois Blandine dans ses bras, pour entendre au moins une fois la voix de son fils ou de sa fille. Trop tard ! Il allait payer de sa vie une vaillantise inutile… Sentiment de l’irréparable… Trop tard !… Pense à Dieu… Quelque chose coulait sur sa joue : larme et sang.
    Il vit le geste et, lâcha son épée car elle eût volé en l’air.
    Il sentit une déchirure énorme… Mais où ? Il tomba à la renverse et s’enfonça dans les herbes… Se noya dans la nuit. Sa nuque lui faisait mal et ses yeux le brûlaient… Des cris lointains… Une grande flamme… La tour brûlait… Tout s’embrassait : son corps, les herbes, le ciel… Ses yeux ne bougeaient plus ; il les sentait se ternir. Il voulut lever sa dextre, non pour demander merci mais pour signifier à son vainqueur que plus rien n’avait d’importance… Il le vit planter son épée dans l’herbe, s’agenouiller, relever sa

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