Les noces de fer
d’armes empoignent une lance et s’en vont prendre un cheval chacun. Ils chargent et le transpercent.
Il tombe. Les coustiliers se précipitent. Leur arme pénètre entre le gorgerin du bassinet et le colletin de l’armure.
C’était le 11 novembre 1356.
ANNEXE IV CALAIS, LE SIÈGE ET « L’AFFAIRE DES BOURGEOIS »
Lorsque Philippe VI parvint en vue de Calais, à la tête d’une armée très puissante (tous les chroniqueurs en sont d’accord), la situation des assiégés était devenue affreuse et pour tout dire : désespérée. Il ne serait pas étonnant qu’il y ait eu des cas d’anthropophagie : le siège durait depuis un an.
Peu de temps auparavant, un convoi de la dernière chance avait été envoyé aux Calaisiens. Il se composait de quarante-quatre vaisseaux dont dix galères. Malheureusement, les Anglais en avaient été informés. Gauthier de Masny, les comtes d’Oxford, de Pembroke, de Northampton et plusieurs autres s’embarquèrent avec de nombreux hommes d’armes, et le lendemain de la Saint-Jean-Baptiste (25 juin 1347), rencontrèrent le convoi en deçà du Crotoy. Plusieurs bâtiments s’y réfugièrent, mais douze s’échouèrent et leurs équipages périrent.
Le lendemain, à l’aube, les Anglais virent sortir deux vaisseaux de Calais et leur donnèrent aussitôt la chasse. L’un put rentrer au port avec beaucoup de peine, l’autre s’échoua et les Anglais y firent prisonniers le patron des galères génoises, dix-sept Génois et quarante marins. Sur le point d’être pris, l’officier génois avait attaché à une hache une custode contenant une lettre que le gouverneur de la cité, Jean de Vienne, adressait au roi de France. Un chevalier anglais la trouva sur le rivage, à marée basse. Ce message fut conservé par Robert d’Avesbury.
Jean de Vienne, avec respect mais fermeté, ne cache pas à Philippe VI les maux endurés par les assiégés : « quar sachiez quely n’ad riens qe ne soit tut mangé, et les chiens et les chates et les chivaux, si qe de viveres nous ne poions plus trover en la ville, si nous ne mangeons chars (chairs) de gentz. Qar autrefoitz vous avois escript qe jes tiendroye la ville taunt qe y averoit a mangier : sy sumes à ceo point que nous n’avoms dont pluis vivere . » Le gouverneur ajoute que sans secours, les hommes sortiront et combattront afin de « morir as champ honourablement que manger l’un l’autre . » Philippe VI avait eu connaissance de cette lettre. Elle n’était qu’une copie d’un original qu’un messager lui avait remis à Arras au début du mois de juin. Il n’en fut pas ému pour autant et ne montra aucun acharnement à libérer sa « bonne ville ». Pour cet hurluberlu couronné, la prise de la tour de Sangatte semble avoir constitué une prouesse après laquelle il pouvait rentrer – lentement – à Paris, puisque c’était la volonté de la reine boiteuse.
Ah ! certes, il envoya des émissaires à son cousin d’Angleterre afin de lui faire part de son désir de le combattre (Geoffroi de Charny, Eustache de Ribemont, Guy de Nesle et le sire de Beaujeu) ; ils ne furent pas plus heureux que les légats du Pape (Annibal Ceccano et Étienne Aubert) qui, depuis le 15 janvier 1347, avaient été mandatés par Clément VI pour essayer de conclure une paix impossible : Édouard disposait, avec Calais, d’une incomparable tête de pont sur le continent.
Philippe insista. Ses nouveaux messagers (les ducs de Bourbon et d’Athènes ; le chancelier de France, Guillaume Flotte ; le sire d’Offémont et Geoffroi de Charny – encore lui – entendirent de la bouche des plénipotentiaires d’Édouard III (le marquis de Juliers, les comtes de Lancastre et de Northampton, Barthélémy de Burghersh, son chambellan, Renaud de Cobham et Gauthier de Masny) les mêmes propos dont il avait usé avant Crécy : il était roi de France, Calais lui appartenait. Et puis, si Philippe avait une aussi grande volonté de combattre, pourquoi avait-il donc attendu douze mois ?
TROIS JOURS POUR RIEN
Les pourparlers durèrent trois jours sans résultat, les envoyés du roi de France offrant, pour obtenir une paix durable, le duché de Guyenne tel que l’avait possédé Édouard I er ainsi que le comté de Ponthieu. Comme quoi la jactance du Valois avait provisoirement cessé d’être. Car elle renaquit : le mardi 31 juillet, constatant l’inanité de ces entretiens, Philippe VI, comme
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