Les noces de fer
avant Crécy, fit proposer à son royal contendant un combat singulier… dans lequel il ne s’impliquait point puisqu’il proposait que quatre de ses champions combatissent quatre Anglais choisis par leur souverain.
Édouard III fit répondre sans tergiverser qu’il acceptait ce challenge. Or, réunis entre les deux armées, les huit champions dont, hélas ! on ignore les noms, ne se mirent pas d’accord sur les modalités de la rencontre et sans doute le choix des armes. On était le 1 er août. Le lendemain, avant le jour, le roi de France décampa, donnant l’ordre de brûler les tentes, les harnais et machines de guerre. Décampa au plein sens du verbe : c’était une fuite, sans doute par peur d’une attaque anglaise. Gilles Li Muisis écrit que les Français partirent en très grande hâte « quod vina qua in doliis erant effundebantur super campos et magna pars logiarum est combusta [390] ». Philippe logea les 3 et 4 août à Lumbres, les 5 et 6 à Fauquembergue et le 7 à Hesdin. Aucun remords ne le prit d’avoir laissé ceux de Calais à la merci des Goddons !
Dans la ville assiégée, la consternation fut profonde. Et la fureur. Montant sur un des chemins de ronde, Jean de Vienne, « souverain » de Calais assiégé, appela les Anglais des créneaux (as crestiaus) et demanda qu’on fît venir des capitaines [391] . Quand Northampton, Gauthier de Masny, Renaud de Cobham et Thomas de Holland se furent approchés, il leur fit part de l’intention des Calaisiens de se rendre. Ici intervient l’épisode des Bourgeois de Calais sur lequel il faut bien méditer : Eustache de Saint-Pierre, Jean d’Aire, Jacques et Pierre de Wissant, Jean de Fiennes et André d’Ardres firent en quelque sorte « don de leur personne » aux Anglais. Une fable, selon M. de Bréquigny ( Mémoire de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, tome XXXVII, page 528 et suivantes ; cote Z 5091 à la Bibliothèque nationale ainsi que le 43 e volume de l’Académie des belles-lettres : Mémoire pour servir l’histoire de Calais, page 722 et suivantes ; cote Z 5097, ce qui prouve que l’auteur connaissait bien son sujet), auquel on ne peut dénier ni les qualités d’érudit ni la haute conscience professionnelle.
Bien que son scepticisme sur le rôle « pathétique » des six bourgeois ait été attaqué par Le Beau dans une dissertation publiée en 1839 dans les Mémoires de la société d’agriculture (!) de Calais, puis par Siméon Luce dans ses commentaires de Froissart (tome IV, page xxv) et par G. Daumet dans la Correspondance historique et archéologique (1894), il n’en demeure pas moins que cette belle anecdote semble douteuse.
UN AUTRE TÉMOIGNAGE
Dans le tome XXX (2 e série, mai-décembre 1929) du Moyen Âge, revue d’Histoire et de Philologie éditée par les soins de la librairie Champion, Jules Viard consacre un article au siège de Calais. Cette étude commence au lendemain de la défaite de Crécy et s’achève de 4 août 1347, quelques heures après la reddition de la cité martyre. L’auteur conte minutieusement l’avance des Anglais vers la côte, les ravages qu’ils commirent avant d’atteindre Calais, l’encerclement de la ville, l’attaque de Boulogne par 400 nefs anglaises et le débarquement de 15 000 Goddons qui furent sanglantement repoussés. Il relate l’installation de Jean de Vienne, le 4 septembre 1346, et décrit comment il organisa la résistance. Dans le style net et concis des historiens du temps passé, Jules Viard rapporte les atermoiements de Philippe VI après Crécy, l’arrivée de la reine Philippa d’Angleterre trois jours avant la Toussaint 1346, le manque d’argent tant chez le souverain anglais que chez son adversaire, le courage des ravitailleurs calaisiens dont il cite quelques noms nouveaux (Enguerrand Doctonne, Colin Hardi, Guillaume Danvelle). Il ne passe point sous silence l’affaire du mariage de Louis de Male puisque son instigateur, Édouard III, fut irrité au plus haut point par cet échec diplomatique.
Jules Viard relate encore – ce qui ne figure pas dans la plupart des chroniques – l’absence de « moral » chez les assiégeants victimes, sans doute, d’une épidémie de dysenterie qui fit dans leurs rangs bien des ravages. Il signale les négociations de Philippe VI avec le duc de Brabant pour obtenir son alliance, la mort des 500 « bouches inutiles » et, évidemment,
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