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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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laquelle ?
    Le chemin se séparait en deux voies de largeurs égales.
    — À dextre, dit Tinchebraye. Regarde : il y a sur le sol engravé [122] des marques de fers fraîches. Qu’en pensez-vous, messire ?
    Deux chemins pareils, l’un désert, l’autre passant. Le regard de Blandine, d’une densité singulière, las et apeuré, décida Ogier :
    — À dextre… Ouvrons l’œil, compagnons !… Cessez de brousser [123]  !
    Il venait de dénouer son étreinte sans que son épouse eût protesté. Tandis que les soudoyers de l’avant repartaient, entraînant Marchegai puis le grand bai cagneux, docile entre les brancards, Blandine soupira :
    — Il me tarde d’être à Fougères.
    Elle ramena sa capuche sur sa tête comme pour échapper au froid, aux arbres – à tout. Elle donnait une telle impression de faiblesse que le cœur d’Ogier se serra, tandis qu’il tapotait la prise de son épée. « Elle a subi en quelques jours bien des tourments. Elle n’en peut plus ! » Insidieuse, la peur le prit aussi. « Nous pouvons nous égarer… Qui sont ces hommes, devant ? » Il demanda :
    — Ces marques de fers étaient-elles nombreuses ?
    — Vingt chevaux, dit Joubert. Ils nous devancent d’une lieue…
    — Si c’étaient des Anglais ? supposa Delaunay.
    — Qui sait ? dit Tinchebraye. Ils sont hardis et se croient chez eux partout !
    Les arbres se clairsemèrent et le ciel montra un pelage gris.
    — S’il pleut, dit Joubert, nous en aurons pour jusqu’à la vesprée…
    Un étang apparut, tel un grand pavois hérissé de sagettes.
    — Je vais haïr cette contrée, dit Ogier.
    Blandine lui sourit, l’air moqueur. Sans elle, il eût mieux dominé son impatience. Peut-être, même, n’en eût-il pas éprouvé, trouvant à ce pays un charme aussi impénétrable que les lointains lourds et noirs, devant eux.
    — Si nous continuons ainsi, nous serons ce soir à Fougères… Courage, ma douce !
    Pourquoi n’avait-il pas dit : « Nous coucherons à Fougères » ? Pour ce que coucher signifiait pour eux deux ? Blandine pensait-elle à leurs étreintes, et pour être franc à leurs ventres autant qu’il y pensait ? Une jante heurta une pierre et l’enfonça dans le sol plus mou que partout ailleurs, semblait-il, et parsemé de flaques boueuses. N’en finiraient-ils donc jamais avec ces voûtes de branches dont les plus épaisses se joignaient d’un bord à l’autre et se ramifiaient convulsivement comme pour mieux célébrer leur alliance ? Moins d’arbres, et tout à coup, ils foisonnaient ! De sa main creusée en conque, Ogier couvrit le genou de son épouse :
    — Cette nuit, nous dormirons aussi longtemps qu’il le faudra.
    Dormir et non coucher  ; il sentit le corps de Blandine peser davantage contre lui, de l’épaule à la hanche, et s’en trouva bien. Sept nuits déjà qu’il la serrait dans ses bras ; qu’ils se pâmaient dans une même fête, et pourtant, il demeurait sur une impression de tristesse ou d’inachevé. Sans raison, leurs amours lui paraissait fragiles.
    Le chemin s’inclina, bourrelé de véritables murs de ronces et de fougères. Tinchebraye tendit un bras, et demanda :
    — Est-ce une rivière ?
    Ogier vit blanchoyer une étendue d’eau que les arbres émiettaient.
    — Et si nous avions pris le mauvais chemin ? dit Blandine.
    Joubert la considéra d’un air indulgent et amusé qu’Ogier trouva contraint.
    — Même si c’était vrai, dame, en allant toujours tout droit, nous finirions par atteindre une cité…
    — Et si ces hommes, devant nous, dit Tinchebraye, nous apprêtaient une embûche ?
    Personne n’eut envie de rire, surtout pas le pennoncier. C’était lui qui, dans la forêt de Chinon, s’était inquiété à cinq ou six reprises : «  Messire Ogier, je crois bien qu’on nous précède et nous suit. » Or, ils n’avaient rencontré personne.
    Le chemin descendait, s’encageait davantage : de sa banquette, Ogier eût pu toucher les troncs. Il releva la tête : Joubert tirait un peu son épée du fourreau sous le regard moqueur de Tinchebraye.
    — Hé ! dit Bazire, il y a une clairière à trente toises, tout au plus.
    Ils y parvinrent, et tandis que Blandine étouffait mal un cri d’effroi, Ogier tira sur les rênes.
    — Merdaille ! grogna-t-il.
     
    *
     
    Deux hommes à cheval, l’épée nue posée de biais sur la poitrine, interdisaient le passage. De longs manteaux gris les

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