Les noyés du grau de Narbonne: une enquête d'Erwin le Saxon
qui se révé≠lèrent contradictoires : selon les uns, elle avait été invi≠tée par un matelot à venir admirer un poulpe d'une taille exceptionnelle qui avait été
harponné; selon les autres, elle aurait lié conversation avec un homme en la compagnie duquel elle se serait éloignée; selon d'autres encore, elle aurait très bien pu tomber à l'eau entre deux barges, et rien n'était plus dangereux.
A cet instant de l'exposé de Timothée, l'abbé saxon entra dans la salle de délibération. Les traits creusés de son visage indiquaient son inquiétude et son irritation, bien qu'il s'efforç‚t de n'en rien laisser paraître. Il brandit une tablette à écrire.
-
Voilà, dit-il d'une voix altérée, ce que le planton vient de m'apporter. Elle lui a été remise par un gamin qui n'a donné aucune explication et s'est enfui aussitôt dans la nuit sans que ce garde songe à le retenir, au moins à lui demander quel était l'auteur du message ou encore qui l'avait chargé de cette commission. Un message très court d'ailleurs et que voici : " Si vous ne cessez pas immédiatement vos recherches, celle que nous avons enlevée sera mise à mort de la même façon que les trois autres. "
La tablette passa de main en main, chacun s'effor≠çant d'y découvrir des indices intéressants.
-
Le contenu de cette mise en demeure, son style, la tablette sur laquelle elle a été rédigée, la façon dont elle nous a été apportée, le moyen choisi pour nous menacer, tout cela pourra en effet nous en apprendre beaucoup sur celui qui nous a lancé ce défi, estima le Saxon. Mais il y a, je crois, plus pressé. D'abord éclaircir un mystère : comment Agnès a-t-elle pu être enlevée au milieu de badauds sans que cela éveille leur attention?
L'explication est scandaleusement simple: Rughard, effrayé par les conséquences de sa négli≠gence, a menti. Il vient de tout m'avouer. Rel
‚chant sa surveillance, il a fait un détour par une taverne, " très peu de temps ", a-t-il eu le front de me dire. quand il l'a reprise, il a d˚
constater qu'Agnès ne se trouvait plus sur le quai, à l'endroit o˘ il l'avait laissée. Erwin passa la main sur son visage.
-
J'ai fait mettre ce méprisable individu aux arrêts de rigueur, dit-il en serrant les dents. Il passera en jugement pour abandon de poste !
Il s'efforça de recouvrer tout son sang-froid.
-
Une première décision paraît s'imposer, énonça-t-il : nous concerter avec tous ceux dont les familles ont été meurtries par la mort d'une jeune femme qui leur était chère, je dis bien " tous " ! Je pense que nous devons les convoquer pour une rencontre qui ne pourra avoir lieu ici même qu'après-demain, étant donné les délais qu'exigé la venue d'Aymeric et d'Amalbert.
Cette entrevue devrait permettre aux uns et aux autres de nous faire bénéficier de leurs conseils.
Le comte et les assistants des missi se regardèrent, stupéfiés par cette proposition, surtout par la manière dont elle avait été formulée et par les raisons avancées. Sans paraître le remarquer, l'abbé enchaîna : Autre point très important : les personnes pres≠
senties doivent être averties de cette initiative sans tar≠der, dès maintenant !
A cette heure-ci? s'étonna Childebrand.
Précisément à cette heure-ci ! Il est essentiel de faire tenir au plus tôt à tous ceux qui doivent être partie prenante de nos recherches, et par communication per≠sonnelle, la convocation qui leur est destinée.
L'abbé adressa alors un signe à son ami et tous deux se levèrent, imités par les autres assistants, pour tenir à l'écart un bref conciliabule. quand ils furent revenus
s'asseoir et que tous eurent repris place, Childebrand précisa les t‚ches confiées à chacun pour aller prévenir sur-le-champ Octavien, Fabian et Lucien l'…légant, Foucaud et sa femme Clémence, Geroul et son fils Harbald, le financier Catulle le Borgne, Aymeric et aussi Sabine, Aurélia, Amalbert et naturellement Emmeran si on pouvait mettre la main dessus.
-
Il faut avouer qu'il y a de quoi s'y perdre, grom≠
mela le Pansu.
Erwin tourna vivement la tête vers le moine.
-
En vérité, de quoi s'y perdre, approuva-t-il.
La réunion terminée, tandis que chacun prenait ses dispositions pour accomplir les missions qui venaient d'être définies, l'abbé et le comte demandèrent à Dore-mus de demeurer un moment avec eux pour leur com≠muniquer les renseignements que, de son côté, il
Weitere Kostenlose Bücher