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Les noyés du grau de Narbonne: une enquête d'Erwin le Saxon

Les noyés du grau de Narbonne: une enquête d'Erwin le Saxon

Titel: Les noyés du grau de Narbonne: une enquête d'Erwin le Saxon Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Paillet
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cours d'aménagement à laquelle l'avaient conduite ses recherches, son attention avait été attirée par une barcasse amarrée à l'écart et sur laquelle s'affairait un marinier ressemblant de façon saisissante à
    Harbald. Il est vrai qu'elle n'avait aperçu ce dernier qu'un bref instant, au cours de l'enquête. Mais son allure maniérée, ses vêtements un peu trop élégants, son élocution prétentieuse, ses jeux de phy≠sionomie et ses gestes efféminés étaient restés gravés en sa mémoire. Son sosie, qu'elle avait maintenant sous les yeux, pour s'être installé loin des autres bateaux, devait avoir comme principal souci de mener ses propres affaires en toute tranquillité. Son allure était terne, son air effacé et sa vêture passe-partout. Toutefois certaines lueurs troubles dans son regard fuyant ainsi que ses lèvres serrées dénonçaient un homme sournois, peut-être dangereux. Agnès pensa immédiatement à Emmeran dont Doremus lui avait fait le portrait, en formulant sur lui un jugement analogue à l'impression qu'elle ressentait.
    Elle hésitait à regagner l'hôtel de la mission quand celui qu'elle observait monta sur le terre-plein qui ser≠vait de quai, s'approcha d'elle et lui dit avec un sourire en dessous :
    Dame Agnès, ton déguisement ne peut tromper
    que des benêts. Encore d'ailleurs serais-tu revêtue d'oripeaux que ton air et ton maintien suffiraient à te dénoncer pour ce que tu es : une femme de haute condition !
    Ainsi tu me connais.
    Si fait ! Un vagabond de mon espèce doit avoir l'úil à tout. Et puis, sans vouloir te flatter, avec ta démarche si légère et dansante, avec tes yeux vairons, avec ces mèches rousses qui dépassent de ta coiffe, tu ne peux pas espérer passer inaperçue. Moi, je suis Emmeran, jumeau de Harbald. Tu l'as sans doute deviné immédiatement. Si tu daignes venir à mon bord, je pourrai t'en apprendre long sur les noyades du grau de Narbonne.
    Agnès pesa soigneusement le pour et le contre, sans que lui vienne cependant à l'esprit que les coupables avaient décidé de la faire enlever pour monnayer sa délivrance contre l'arrêt des investigations. Elle pen≠sait plutôt qu'Emmeran avait en vue de profiter d'une bonne fortune, mais elle savait comment se défendre contre de telles entreprises. Elle accepta donc. Au moment o˘ le frère de Harbald, ayant regagné son bateau, tendait la main à Agnès pour l'aider à monter à bord, un badaud, qui était resté planté à quelque dis≠tance de la barcasse, s'éloigna à grandes enjambées vers le centre de la cité. On apprit plus tard qu'il avait été
    chargé de prévenir Harbald du succès ou de l'échec de " l'enlèvement ". En l'occurrence, fort de l'assu≠rance que l'opération avait été menée à bonne fin, le fils de Geroul rédigea et fit parvenir aux missi la tablette sur laquelle il avait gravé ses exigences.
    Dès qu'Agnès se fut assise sur un des bancs du bateau, Emmeran, sans lui avoir demandé son avis, éloigna avec une gaffe la barcasse du rivage, hissa la voile et prit la direction du sud.
    -
    O˘ comptes-tu aller ainsi? lui demanda-t-elle sans montrer ni surprise ni émotion.
    Pas très loin, à vrai dire, mais hors de cette cité.
    Sais-tu que, si je ne rejoins pas bientôt l'hôtel de la mission dont je fais partie, les seigneurs qui la dirigent vont s'inquiéter, puis se f‚cher?
    Tel est l'effet recherché !
    Ah bon, constata-t-elle paisiblement.
    Elle réfléchit en silence un court instant.
    Aurais-tu la prétention de m'enlever? s'enquit-elle.
    -
    Tu ne t'en es pas encore aperçue?
    Dois-je te répéter que, si le comte Childebrand et l'abbé Erwin ne me voient pas arriver, ils vont aussitôt lancer la chasse? Elle risque d'être rude pour le gibier.
    En attendant, le gibier, c'est toi !
    Cette initiative, est-ce toi qui l'as prise?
    A vrai dire, non !
    Je m'en doutais.
    Mais elle ne me déplaît pas. Jusqu'ici du moins.
    Naviguer en la compagnie d'une femme comme toi ne peut être que plaisant.
    Naviguer en la tienne, en revanche, ne l'est
    guère.
    Un savoureux en-cas rendra-t-il ce contretemps moins désagréable ? A tes pieds tu trouveras un panier.
    Juste sous le banc. De quoi apaiser ta faim et la mienne, si tu veux bien jouer la maîtresse du bord.
    Pourquoi pas !

    Après qu'Agnès et Emmeran se furent restaurés et désaltérés, le frère de Harbald alluma un falot à la proue du bateau, car la nuit était tombée.
    Puis il ne tarda pas à amener la

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