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Les Nus et les Morts

Titel: Les Nus et les Morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Norman Mailer
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l’épiderme du Japonais lui devint sensible. Il nota des boutons d’acné noirâtres sur son front, et une petite pustule sur le côté de son nez, et des gouttelettes de sueur dans l’orbite profonde de ses yeux. Ils restèrent à se dévisager pendant une demi-seconde peut-être, puis le Japonais dégaina sa baïonnette et Red se mit à courir. Il le vit qui se précipitait sur lui, et il pensa bêtement – film d’épouvante. « Tue-le, hurla-t-il avec effort par-dessus son épaule, tue-le, Croft ! »
    Il trébucha, tomba tout de son long, et demeura immobile, à moitié étourdi. Il essayait de s’apprêter pour le jaillissement de la souffrance à l’instant où la lame plongerait dans son dos, et il retint son souffle. Il perçut une pulsation dans son cœur, puis une autre. Ses sens lui revenaient, et son corps commençait à réagir. Son cœur bondit de nouveau, et de nouveau, et de nouveau. Et, brusquement, il comprit que rien n’allait lui arriver.
    La claire et froide voix de Croft grinça dans ses oreilles : « Nom de Dieu, Red, combien de temps que tu vas rester couché ? »
    Il se retourna et s’assit. Il réprima un gémissement, avec un effort qui le fit trembler. « Jésus », dit-il.
    « Qu’est-ce que tu penses de ton petit copain ? » demanda Croft doucement.
    Le Japonais se tenait à quelques mètres de là, les bras en l’air. Il avait laissé tomber sa baïonnette. Croft s’en approcha et la fit voler au loin d’un coup de pied.
    Red regarda le soldat japonais, et leurs yeux se rencontrèrent pour un instant avant de se détourner – comme s’ils avaient été surpris dans quelque chose de honteux. Red se rendit compte tout à coup combien faible il se sentait.
    Mais, même maintenant, il ne pouvait admettre aucune faiblesse chez Croft. « Nam de Dieu, pourquoi que vous avez mis si longtemps ? demanda-t-il.
    – On s’est amenés aussi vite qu’on a pu », dit Croft.
    Gallagher se mit tout d’un coup à parler. Il était blanc, et sa bouche tremblait. « J’allais lui flanquer une balle à cette enculeur de sa mère, mais t’étais dans le chemin. »
    Croft rit doucement. « Je crois qu’il a eu une plus grande peur de nous autres que de toi, Red, fit-il. Il s’est arrêté joliment vite de té cavaler dessus, quand il nous a vus. »
    Red se surprit de nouveau en train de trembler. Il ressentait une admiration rancunière pour Croft, à quoi se mêlait un vif déplaisir d’être en reste avec lui. Pendant une ou deux secondes il essaya d’imaginer un moyen de lui dire son merci, mais il ne put prononcer les mots.
    « On fera aussi bien de rentrer », dit-il.
    L’expression de Croft parut changer. Une lueur d’excitation s’alluma dans ses yeux. « Pourquoi que t’irais pas en avant, Red ? suggéra-t-il. Gallagher et moi nous te suivrons dans une couple de minutes.
    – Tu veux que j’emmène le Japonais ? » demanda Red avec effort. C’était la dernière des choses qu’il souhaitait de faire. Il se sentait toujours incapable de regarder le prisonnier.
     Non, dit Croft. Nous nous en occuperons, Gallagher et moi. »
    Red se rendit compte de quelque chose de bizarre dans l’attitude de Croft. « Je peux l’emmener, si tu veux, dit-il.
    – Non, on s’en occupera nous autres. »
    Red jeta un coup d’œil sur les corps qui s’étalaient mollement dans la clairière verdoyante. Déjà des insectes voletaient au-dessus du cadavre sans face. De nouveau tout ce qui lui était arrivé lui sembla irréel. Il regarda le soldat qui avait fui : son visage lui parut anonyme et lointain, et il s’étonna un peu de n’avoir pas osé rencontrer ses yeux. « Jésus, je suis pompé », pensa-t-il. Ses jambes branlaient légèrement quand il se baissa pour ramasser sa carabine. Il était trop fatigué pour dire quoi que ce fût. « Ron, je vous verrai sur la colline », murmura-t-il.
    Une obscure raison lui disait qu’il n’aurait pas dû s’en aller, et tout en suivant la piste il éprouva de nouveau l’étrange sentiment de honte et de culpabilité qui lui venait de sa rencontre avec le soldat japonais. « Quel bâtard, ce Croft », se dit-il. Il se sentait lourd et fiévreux.
    Après le départ de Red, Croft s’assit par terre et alluma une cigarette. Il fumait d’un air absorbé, en silence. Gallagher s’assit à côté de lui, regardant le prisonnier. « Allez, qu’on s’en débarrasse et qu’on rentre, laissa-t-il

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