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Les Nus et les Morts

Titel: Les Nus et les Morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Norman Mailer
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serveuse, se met en ménage avec elle dans un garni de deux pièces, 27’rue West. Elle a un garçon de huit ans, qui aime Red, et ils s’entendent bien pendant une couple d’années.
    Red change de. travail, il devient employé dans un asile de nuit sur le Bowery. C’est moins fatigant que de laver des assiettes, et il touche cinq dollars de plus, vingt-trois par semaine. Il s’y cramponne durant les deux dernières années qui précèdent la guerre. Liquide, puante chaleur des étés sur le Bowery, hivers glacés et humides quand les murs suintent et se couvrent de plaques grises. Longues nuits où on ne pense à rien, où l’on suit maussadement le passage périodique des rames du métro aérien de la Troisième Avenue, dans l’attente du matin, quand il pourra rentrer chez lui et retrouver Lois.
    Plusieurs fois par nuit il fait la ronde dans la salle principale où quarante à cinquante hommes dorment d’un sommeil inquiet sur des lits de fer, il écoute leur petite toux qui ne cesse jamais, renifle l’âpre, le rébarbatif mélange de formol et de vieil ivrogne. Le désinfectant pue dans les couloirs et les lavabos, et dans les urinoirs il y a presque toujours quelque poivrot qui se tient langoureusement à la porcelaine de la pissotière et s’efforce de rendre sa ligueur. Il referme la porte et va dans la chambre des récréations, où quelques vieillards jouent aux cartes autour d’une table ronde posée sur un plancher noir de crasse et de mégots. Il écoute le mâchonnement de leurs os inachevés.
    Maggie Kennedy était une femme bien de sa personne, elle m’a dit, na, qu’est-ce qu’elle a dit ?
    J’ai dit à Tommy Muldoon qu’avait pas à me fourrer au violon, et quand j’y ai dit il m’a laisse partir, je vous dis que ça. Ils ont peur de moi depuis que j’y ai cassé la mâchoire à Ricchio, vous savez, il était secrétaire au commissariat de police, y a longtemps de ça, oui, attendez une seconde que je me rappelle la date, j’y ai cassé la mâchoire d’un seul coup de poing une nuit de réveillon y a huit ans, c’était en 1924, non, attendez une seconde, en 1933 c’est plus juste.
    La vieille blague. Eh, les poivrots, pas si fort nom de Dieu vu qu’on a des visiteurs payants dans la pièce à côté. Je vous flanquerai à la porte.
    Ils restent silencieux un moment, puis l’un d’eux marmonne à voix basse : – T’es pas si malin que ça, jeune homme, et si que tu la fermes pas je serai obligé de te rosser.
    Sortons dans la rue qu’on règle ça.
    L’un des vieux se lève, va à Red, et chuchote : – Tu feras mieux de le laisser tranquille parce qu’il te jettera en bas de l’escalier, le dernier employé de nuit eh bien il lui a cassé la nuque.
    Red rit. Ça va. Je, regrette que je vous ai dérangé, grand-père. J’y ferai gaffe la prochaine fois.
    Ça vaudra mieux, fiston, parce que comme ça toi et moi on aura pas d’histoires.
    On entend une boîte à musique qui grince dans un bar, de l’autre côté de la rue.
    De retour à sa table, Red branche la radio, en sourdine. (The leaves of brown came tumbling down .) Un homme se réveille en criant. Red va dans la salle et le calme, il lui tapote l’épaule et le ramène à sa couche.
    Au matin les clochards s’habillent en vitesse, et à sept heures ia grande salle est déserte. Ils se hâtent le long des rues dans le froid matinal, la casquette engoncée sur les oreilles, le cou emmitouflé dans le col râpé du veston. Comme s’ils étaient honteux, ils ne se regardent pas l’un l’autre, et pareils à des automates la plupart prennent place le long d’une queue dans la Canal Street, aux portes d’une soupe populaire où on leur donnera une tasse de café. Red marche dans les rues avant de prendre l’autobus pour la 27" West. La longue nuit est toujours déprimante.
    Il regarde ses pieds qui s’avancent. Rien ne vaut un bon nom de Dieu de nom de nom.
    Mais là-bas, dans le garni, Lois lui prépare son petit déjeuner, et Jackie, le garçonnet, accourt à sa rencontre, lui montre un nouveau livre de classe. Red se sent fatigué et heureux.
    Oui, c’est beau, petit, dit-il, lui flattant le dos.
    Quand Jackie est parti pour l’école, Lois s’assied et firent son déjeuner avec Red. Depuis qu’il travaille à asile de nuit, ils n’ont que la matinée pour eux. A onze heures elle s’en va pour son restaurant.
    L’omelette est assez cuite pour toi, chéri ? demande-t-elle.
    Oui, c’est

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