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Les Nus et les Morts

Titel: Les Nus et les Morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Norman Mailer
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ça veut dire naître, je suppose. »
    Dove laissa errer son regard sur la plage, s’attarda un instant sur Hearn qui s’ébattait dans l’eau. « Oh ! sûr, umareru – naître. Umashi masu, u umasho. Ce sont là les formes verbales de base, n’est-ce pas ? Je m’en souviens. » Il se tourna vers Conn. « Je ne sais pas ce que j’aurais fait sans Wakara. Il faut un Japonais pour se débrouiller dans ce sacré langage. » Il assena une tape sur le dos de Wakara, ajoutant : « Eh, pas vrai, Tom ? »
    Wakara approuva lentement de la tête. C’était un homme de petite taille, mince, le visage calme et sensitif, les yeux plutôt ternes, la moustache fine et nette. Brave vieux Wakara », fit Dove. Wakara continuait à regarder ses jambes. Une semaine plus tôt il avait surpris Dove qui disait à quelque officier : « Vous savez, on fait trop de cas de nos traducteurs japonais. C’est moi qui fais tout le travail dans notre unité. Il est vrai que je suis chargé du service, mais Wakara ne m’aide en rien. Je dois toujours corriger ses traductions. »
    Dove massait son torse osseux avec une serviette. « Transpirer au soleil vous donne un merveilleux sentiment de bien-être, grommela-t-il tout en se tournant de nouveau vers Wakara. J’aurais dû connaître ce mot, vous savez c’est ce journal que nous avons trouvé sur le corps de ce commandant japonais, un document fascinant, est-ce que vous y avez jeté un coup d’œil ?
    – Pas encore.
    – Oh ! eh bien, c’est merveilleux. Pas d’informations militaires, mais le type était un lunatique. Les Japonais sont étranges, Wakara.
    – Des imbéciles », dit Wakara sèchement.
    Conn se mêla à la conversation. « Je dois dire ici que je suis d’accord avec vous, Wakara. Vous savez j’ai été au Japon, en trente-trois. Ce sont des illettrés. Impossible de leur apprendre quoi que ce soit.
    – -Vrai, je ne savais pas que vous aviez été là-bas, mon colonel, dit Dove. Est-ce que vous parlez le japonais ?
    – Je ne me suis jamais donné la peine de l’apprendre. Je n’aimais pas le peuple, et je ne voulais pas m’y mêler. Je savais que nous allions être en guerre.
    – Sans blague », dit Dove. II fit un petit pâté de sable avec le creux de sa main. « Ç’a dû être une précieuse expérience. Wakara, quand vous étiez là-bas, saviez-vous que les Japonais préparaient la guerre ?
    – Non, j’étais trop jeune, tout juste un enfant. » Il alluma une cigarette. « J’étais loin de le penser.
    – C’est parce que c’est votre peuple », lui dit Conn.
    Pif paf ! fit la carabine de Dalleson.
    « Je suppose que c’est ça », dit Wakara. Il expira doucement la fumée de sa cigarette. Il put voir un soldat qui patrouillait au tournant de la plage, et il inclina la tête sur ses genoux dans l’espoir de passer inaperçu. Ç’a été une erreur de venir ici. Les soldats américains n’aimaient pas l’idée de protéger un Japonais.
    Conn tambourina pensivement sa panse. « Il fait salement chaud, je vais me mettre l’eau.
    – Moi aussi », dit Dove. Il se leva, fit tomber le sable de ses avant-bras, et, après avoir marqué un temps : « Voulez venir, Wakara ?
    – Non, merci, pas tout de suite. » Il les suivit du regard. « Drôle d’homme, ce Dove, plutôt typique », décida-t-il. Dove l’avait vu qui marchait sur la plage, et tout aussitôt il crut devoir l’appeler, lui poser cette question stupide à propos d ’umareru, après quoi il ne sut que faire de lui. Wakara commençait à trouver fatigant de se voir traiter en phénomène de curiosité.
    Il s’allongea sur le sable, soulagé de se trouver seul de nouveau. Un long temps il resta à regarder la jungle qui s’épaississait et devenait impénétrable au bout d’une trentaine de mètres ou d’une quarantaine de mètres. Il se demandait s’il était possible de rendre l’effet qu’elle produisait ; – peut-être, sur un fond de toile noir et gris, mais c’eût été d’une technique douteuse. N’ayant plus touché à un pinceau depuis deux ans, il eût été certainement incapable de réussir rien de satisfaisant. Peut-être aurait-il mieux fait de suivre sa famille dans les camps américains d’origine japonaise. Il aurait pu, au moins, continuer à peindre.
    La chaleur du soleil sur son dos, l’étincellement du sable, lui firent sentir qu’il était très déprimé. Qu’est-ce que Dove avait dit au sujet du

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