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Les Nus et les Morts

Titel: Les Nus et les Morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Norman Mailer
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promenade, et on est allé s’asseoir au parc et on a parlé, et… » Il se tut. « Je pouvais lui parler d’un tas de choses, et je sais pas, on est resté assis sur le banc et j’y ai dit que je voulais écrire sur les sports, et elle à dit qu’elle voulait dessiner des robes, et je me suis mis à rire jusqu’à ce que j’aie compris qu’elle parlait sérieusement, et on a parlé longtemps de ce qu’on voulait devenir. » Il avala sa bière. « Un tas de gens nous passaient et on s’est mis à jouer, tu sais un jeu où c’est qu’on devine leur âge et ce qu’ils font dans la vie, et elle essayait de deviner s’ils étaient heureux ou pas. Puis on s’est mis à examiner tous nos amis, et on a parlé beaucoup. »
    Red sourit. « Et alors tu lui as demandé : « Qu’est-ce « que tu penses de moi ? »
    Wyman le regarda avec étonnement. « Comment que tu sais ?
    – Eh, j’ai deviné, c’est tout. » Il se rappelait le parc, au bout de la rue principale, dans la ville de la Compagnie, Pour un moment il put revoir le visage d’Agnès, et réentendre le son de sa propre voix : « Tu sais, je crois pas en Dieu. » Il eut un sourire pensif. Il gardait, de ce soir-là, une impression de beauté qu’il n’avait jamais ressentie avec la même intensité. « C’était quand ? demanda-t-il à Wyman. En été ?
    – Oui, au début de l’été. »
    Red sourit de nouveau. « Tous les merdeux y passent, songea-t-il, et tous ils pensent que c’est quelque chose de spécial. » Il imaginait Wyman, un adolescent timide sans doute, il le voyait qui parlait dans le parc, qui disait à la jeune fille de ces choses qu’il n’avait jamais su dire à qui que ce fût. Et, naturellement, la jeune fille était à l’avenant. « Je sais ce que tu veux dire, petit, fit-il.
    – Tu sais, elle m’a dit qu’elle m’aimait, fit Wyman d’un air de défi, comme s’il s’attendait à voir Red partir d’un éclat de rire. Ç’a été tout ce qu’y a de sérieux entre nous, après cette nuit-là.
     – Ta mère, qu’est-ce qu’elle a dit ?
    – Oh ! elle aimait pas l’idée, mais je m’en faisais pas. Je savais que j’y pouvais compter.
    – Y a des fois que ça se complique, dit Red. On sait pas comment ça peut tourner. »
    Wyman secoua la tête. « Ecoute, Red, ç’a l’air stupide, mais Claire me faisait réellement sentir que je pouvais devenir quelqu’un. Quand je la quittais et que je marchais tout seul dans les rues, eh bien, je sais pas moi, je savais que j’allais devenir un grand type un jour. J’en étais sûr. » Il se tut pour un moment, absorbé par ce qu’il venait de dire.
    Red se demandait ce qu’il devait répondre. « Tu sais, un tas de gens sentent la même chose, petit.
    – Oh ! nous, c’était différent, Red. C’était réellement quelque chose de spécial. »
    Red tressaillit. « Je sais pas, murmura-t-il. Des tas de gens sentent comme ça, et puis pour toutes sortes de raisons c’est la culbute, ou bien on s’aigrit les uns les autres.
    – – On n’aurait pas fait la culbute nous autres, Red. Je te le dis, elle m’aimait. » Il réfléchit, et son visage se contracta. Il s’emmitoufla dans sa couverture. « C’est |>as possible qu’elle me mentait, Red, c’est pas son genre. C est pas une fille à ça. » Il se tut, puis laissa échapper soudainement : « Tu crois pas qu’elle m’a menti, aïs ?
    – Nix, elle a pas », dit Red. Il eut un serrement de cœur. « Nix, elle t’a pas menti, mais tu sais le monde change.
    – Pas elle, dit Wyman. C’était différent, nous autres. » Un accent de frustration se devinait dans sa voix, dû à son incapacité de traduire en mots ses sentiments.
    Red songea à la mère Wyman, à ce qu’elle aurait eu à supporter si son fils s’était marié, et il en eut une rapide et concise image – disputes, soucis d’argent, turbin qui éteindra leur jeunesse jusqu’à ce qu’ils ressemblent aux gens qui les ont passés dans le parc – tout cela il le vit clairement. Cette fille-ci ou une autre, indifféremment, parce qu’à trente ans elles se ressemblent toutes et parce que lui, Wyman, n’arrivera jamais à rien qui vaille vraiment. Il eut une vision de l’existence qui attendait Wyman, et cela le révolta. Il aurait voulu pouvoir lui dire quelque chose de plus réconfortant que ce simple fait, à savoir qu’il n’importait guère, après tout. Mais il ne put rien

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