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Les Nus et les Morts

Titel: Les Nus et les Morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Norman Mailer
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couchez-vous, mon fils, fit le père Leary,
    – C’est ça, mon père. » Il retraversa le camp. Les hommes étaient en corvée, et le bivouac, presque désert, lui inspira un sentiment de sécurité. Il arriva à sa tente, rampa dans le trou, s’allongea sur la couverture. Il ne sentait rien, sinon une extrême fatigue. Il avait mal à la. tête, et il se demanda paresseusement s’il prendrait un comprimé d’atabrine dans son trousseau. « Peut-être que j’ai la malaria », se dit-il. Il se rappela le visage de Mary dans les premiers jours de leur mariage, quand elle lui servait un plat. Ses poignets étaient très frêles, et il revit le poil doré sur ses avant-bras.
    « Je parie que le toubib était un foutre de Yid », dit-il tout haut. Le son de sa voix le fit sursauter, et il se roula sur le dos. Une colère montait en lui à mesure qu’il y pensait, et une ou deux fois il murmura : « C’est le Yid qui l’a tuée. » Cela lui fit du bien. Il eut une agréable sensation d’auto-apitoiement, et il s’y laissa aller pendant plusieurs minutes. Sa chemise était trempée, et parce qu’il jouissait de sentir ses mâchoires se contracter, de temps a autre il faisait grincer ses dents.
    11 se sentit tout à coup moite, et, avec une sorte de précipitation, il commença de comprendre que sa femme était réellement morte. La douleur et la nostalgie dilatèrent sa poitrine, et il se mit à pleurer. Au bout (l’une minute il devint conscient du bruit de ses sanglots et il se tut, un peu terrifié, si étrange lui parut son hoquet. On eût dit qu’une couche d’isolant étouffait ses sensations, et qu’il ne s’en dégageait que pour de courts moments, entre deux accès de douleur.
    Il se mit à penser aux soldats morts dans la clairière, voyant Mary épouser successivement la posture des cadavres, Il recommença de trembler. Un intense sentiment d’horreur et de nausée et de peur l’envahit. Il s’agrippa ù la couverture, grommelant sans se rendre compte de ce qu’il disait : « Y a trop longtemps que j’ai pas été à confesse. » Il perçut avec acuité l’odeur de ses vêtements. « Je pue, j’ai besoin d’un bain », pensa-t-il. L’idée commençait de le tourmenter, et il songea à descendre au ruisseau et à s’y jeter. Il quitta sa tente, mais, se sentant trop faible pour parcourir les cent mètres qui le séparaient du ruisseau, il s’arrêta face à la tente de Red et remplit son casque avec de l’eau qu’il prit dans un bidon. En posant le casque par terre il le renversa, et l’eau se répandit sur ses pieds. Il ôta sa chemise, remplit de nouveau son casque, se versa l’eau sur la nuque. Le froid et désagréable contact du liquide le fit frissonner. Il remit machinalement sa chemise, revint en titubant à sa tente, se recoucha, ne pensant à rien. La chaleur du soleil était oppressante sur la toile caoutchoutée. La somnolence le gagna, et il s’endormit à la fin. A travers son sommeil son corps tressaillait de temps à autre.
    LA MACHINE A FAIRE LE TEMPS

GALLAGHER, LE REVOLUTIONNAIRE A REBOURS
    Un homme de taille médiocre, avec un corps sec et noué qui donnait l’impression d’être tortu et revêche. Sa figure était petite et laide, marquée par les traces d’une acné nui lui faisait une peau grumeleuse, tachetée de crevasses d un rouge pourpre. C’était peut-être cette couleur, ou peut-être même la forme de son long nez irlandais hargneusement oblique, qui lui donnait l’air d’être toujours courroucé. Il n’avait que vingt-quatre ans.
    Au sud de Boston et à Dorchester et à Roxbury les grises maisons de bois paradent pendant des milles leur laideur et leur désolation et leur délabrement. Les tramways cliquettent dans un désert de cailloux et de bois mort ; la brique est vieille, elle s’effrite sous le doigt si on la gratte vigoureusement. Toute couleur se confond dans la grisaille prédominante ; elle a fini par déteindre sur le visage des gens. Il n’y a là ni Juifs ni Irlandais – leurs traits se sont fondus en un mortier anonyme qui les a rendus homogènes et poussiéreux. Cela se retrouve dans leur parole. Tous parlent la même langue, âpre et triste. « Si j’avais une voituhre, je l’auhrais soignée, je veux dîhre soignée, je la gâhrehrais pas n’impôhrte où. »
    Ç’a été fondé par des citoyens et c’est gouverné par des bourgeois ; tout y fonctionne sur une surface unie et glabre, tout est

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