Les Nus et les Morts
parfait à Boston quand on lit les journaux – qui y sont tous les mêmes, tout y est excellent en politique
garce que les partis politiques y sont tous les mêmes. A Boston tout le monde appartient aux classes moyennes, tout le monde et y compris-les clochards qui sommeillent et qui dégobillent dans le métro ouvert le dimanche jusqu’à deux heures du matin sur le parcours de Maverick square. Ils ont dû, jadis, protester contre leur mise dans le mortier commun, mais c’est bien oublié maintenant.
Une routine avilissante et une morose, une hargneuse humeur coulent sous la surface, la glabre surface des Herald et des Post et des Traveler et des Daily Record et des Boston American ; cela rejaillit sur les ivrognes qui peuplent le métro – des ivrognes plus nombreux que dans aucune autre ville, cela éclabousse le Scollay Square où la débauche est toujours sordide et où Sodome copule dans les ordures. Cela déborde même sur le trafic urbain, qui est méchant et rageur et frénétique, et cela se lit au front des gosses qui se font rosser dans les ruelles, et des graffitis et des symboles souillent les synagogues et les cimetières – « Foutre de Youpins » et la croix et le svastika. « Je suis désolé de l’entendre », disent les gouverneurs Curley, Seltonstall, Tobin.
Les gosses, en bandes, se bagarrent à coups de pierres et de bâton et de casse-tête ; en hiver, on farcit les boules de neige avec de la rocaille. C’est sans malice bien sûr, c’est seulement le sain-instinct-de-rivalité qui se dérouille.
Eh, Gallagher, la bande à Lefty Finkelstein cherche la bagarre.
Allons leur tomber dessus, les fils de pute. (La peur est quelque chose que le clan ignore ; elle est reléguée au fond de leur estomac.) Y a longtemps que je les ai à l’œil.
Allez chercher Packy et Al et Fingers, on va leur montrer aux Yids.
A quelle heuhre qu’on démâhrre ?
Pouhrquoi fouthre que tu veux savoihr ? T’as les foies ?
Qui qu’a les foies ? Je m’en vas chercher ma batte.
(En route, ils passent une synagogue. « T’as les foies ? » Il crache sur le temple.) Eh, Whitey, j’y crache pour que ça porte chance.
Hé ! Gallagher, crient les gosses. Fais gaffe à ton vieux quand il a pris une cuite.
A la maison, sa mère frissonne aux bruits et marche sur la pointe des pieds. Assis dans la salle à manger, son père chiffonne puis étale avec ses grandes pattes la nappe jaune, en dentelle d’imitation, qui recouvre la table.
Crédieu, sûr qu’un homme il doit… Fils de pute. Hé, PEG !
Qu’est-ce qu’il y a, Will ?
Son mari se frotte le nez et le menton. Arrête de trotter en rond, marche comme une femme, nom de Dieu !
Oui, Will ?
C’est tout, nom de Dieu. Va-t’en.
Si votre homme est un aussi grand salaud que Will Gallagher, laissez-le seul quand il a pris une cuite. Mais faites attention qu’une ae ses grandes pattes ne vous accroche pas au coin de la bouche.
Pesamment assis devant la table, il abat son poing sur la nappe. Il regarde les murs. (Une image brune qui a été verte montre des bergères dans une vallée boisée. Ç’a été dans un calendrier.) Nom de dieu de maison.
Il abat son poing sur la table, faisant danser le triptyque sur un meuble.
Will, tu bois trop.
La ferme ! Ferme ta bouche idiote.. Il se redresse lourdement, titube vers le mur. La glace qui protège les bergères vole en éclats quand il jette l’image par terre. Il s’étale sur le sofa râpe, gris-brun, regarde la carpette où le canevas gris et lustré montre son usure. Crève-toi le derrière, a quoi bon ?
" Sa femme essaie d’enlever la bouteille de la table. Laisse ça !
Will, tu peux peut-être trouver quelque chose d’autre.
Sûr… sûr. T’entendre gémir j’ai besoin un bout de ci, un bout de ça. Epiciers, bouchers. Et moi me casser le dos à trimer sur ce camion. Quelque chose d ’autre. Je suis pris, je suis dans un piège. Laisse cette bouteille tranquille !
Il se lève, titube vers sa femme et la frappe. Elle se laisse glisser par terre où elle reste sans bouger, geignant d’une voix sourde et passive. (Une femme élancée, grise et sans charme maintenant.)
Assez de cette sacrée nom de dieu de pleurnicherie ! Il la regarde en silence, se frotte de nouveau le nez, s’ébranle pesamment vers la porte. Ote-toi de là, Roy. Il titube sur le seuil, soupire, puis s’élance dans la nuit.
Gallagher regarde sa mère. Il së sent creux, à la limite
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