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Les Nus et les Morts

Titel: Les Nus et les Morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Norman Mailer
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avait fini par contribuer à sa vendetta avec l’ordonnance.
    Un matin ils s’étaient presque querellés. Hearn arriva à la tente alors que Clellan finissait son travail, et tandis qu’il examinait la place, l’ordonnance, les bras ballants, se tenait contre la couchette du général. Hearn tâta la couche, c’était nettement fait – la couverture supplémentaire pliée avec soin au pied du lit, l’oreiller avec ses coins rentrés bien centré à la tête du, lit. « Bon boulot, cette couchette, dit-il.
    – Vous croyez, mon lieutenant ? » dit Clellan sans bouger.
    Hearn fit demi-tour et examina les rabats de la tente. Ils étaient proprement attachés, et quand il tira sur l’une des cordelettes le nœud ne se. défit point. Il fit le tour extérieur de la tente, examina les pieux. Ils étaient tous d’une inclinaison et d’un alignement égaux – et comme il avait plu lourdement la veille, il était clair que Clellan les avait déjà renforcés. Il revint à l’intérieur de la tente, inspecta le plancher – balayé et lavé. « Vous me le salissez, mon lieutenant », dit Clellan, regardant d’un air maussade les pieds d’Hearn.
    Hearn jeta un coup d’œil sur la trace boueuse de ses chaussures sur le plancher. « Je regrette, Clellan, dit-il.
    – Ça fait un sacré boulot, mon lieutenant. »
    Hearn eut un mouvement d’humeur. « Clellan, votre travail n’est pas tuant.
    – On peut pas savoir, vu que personne fait rien. »
    Eh bien, tonnerre de Dieu ! Il l’avait méritée, cette réponse. Il se détourna de nouveau, examina la planche à cartes uniment recouverte d’une housse, avec ses crayons bleus et rouges taillés et rangés dans leurs compartiments respectifs. Il ouvrit un des coffres du général pour vérifier si le linge y était bien serré, alla s’asseoir devant le bureau pour inspecter les dedans des tiroirs. Grimaçant de déplaisir, il passa un doigt sous le rebord de la table A la recherche d’une trace de poussière, se leva pour aller faire le tour des tranchées découlement qui bordaient la tente. Clellan avait déjà enlevé la vase de la veille, et le fond d% la tranchée était saupoudrée de terre fraîche. Il regagna l’intérieur de la tente.
    « Clellan, dit-il.
    – Oui ?
    – Tout paraît en ordre aujourd’hui, sauf les fleurs. Il faut les changer.
    – Je vous le dis, mon lieutenant, fit Clellan carrément, ça m’a pas l’air que le général il y tient beaucoup, à ces fleurs. »
    Hearn secoua la tête. « Changez-les quand même. »
    Clellan ne bougea pas. « Hier le général m’a dit comme ça : « Clellan, qui c’est qu’a eu l’idée de ces fleurs ? » J’y ai dit que je savais pas, mais que ça se pouvait bien que c’était vous.
    – Il a dit ça, le général ? » D’abord amusé, Hearn devint furieux. Le fils de garce ! Il alluma une cigarette, exhala doucement la fumée. « Supposons que vous changiez ces fleurs, Clellan. C’est moi qui entends les complaintes.
    – – Mon lieutenant, je croise le général peut-être dix fois par jour, et je dois dire qu’il m’aurait dit quelque chose si qu’il s’imaginait que je fais pas bien mon boulot.
    – Je vous en réponds, Clellan. »
    Clellan avança les lèvres et rougit un peu. Il était visiblement vexé. « Mon lieutenant, faut que vous vous rappelez que le général l’est seulement un homme, l’est pas meilleur que vous ou moi, et qu’y a pas de quoi avoir peur. »
    Cela suffisait. Hearn voulait être damné s’il allait rester là à argumenter avec Clellan. Il fit un pas vers la sortie. « Changez ces fleurs, Clellan », dit-il froidement depuis le seuil.
    Répugnant, humiliant. Tout en se dirigeant vers le mess pour son petit déjeuner, il laissait errer son regard sur le terrain cru du bivouac. Ce genre de choses pouvait continuer ainsi pendant un ou deux ans, un sale petit exercice quotidien à s’envoyer à jeun. Clellan bien sûr adorerait ça. Chaque réplique qu’il pourrait se payer viendrait renforcer d’autant l’estime en laquelle il se tenait, et chaque nasarde qu’il essuyerait lui donnerait la satisfaction de nourrir ses haines d’opprimé. Il y a de petits avantages à être simple soldat, pensa Hearn en envoyant son pied dans un caillou.
    Voyez-les, ces pauvres officiers ! Il se sourit à lui-même et fit signe de la main à Mantelli, lequel lui aussi s’approchait de la tente du mess.
    Mantelli coupa vers lui,

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