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Les Nus et les Morts

Titel: Les Nus et les Morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Norman Mailer
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son inquiétude tenait à tout ce qu’il avait pensé avant le commencement de l’escarmouche. Elle se nourrissait de sa jalousie, de son indifférence à faire l’amour, elle lui venait de ses longues et frénétiques insomnies, là-bas au pays. Pour quelque bizarre raison il trouva tout à coup qu’il était trop pénible de songer à Gallagher et à la mort de sa femme. « On se tient bien sur ses gardes, pensa-t-il, et on est quand même frappé par-derrière. » Un traquenard. Un profond malaise le travaillait. Il promena son regard autour de lui, écouta le bruit d’une canonnade au loin, tandis que son angoisse grandissait et devenait presque douloureuse. Il était en sueur et sur le point de se mettre à pleurnicher. L’action conjuguée de la chaleur, de la réverbération du sable, de la tension nerveuse due à l’engagement, draina les derniers Vestiges de sa résistance. Il se sentait sans force et terrifié, et il ne comprenait pas. Son expérience du feu se résumait à quelques patrouilles sans histoire, et pourtant la perspective d’autres sorties lui inspirait en cet instant répulsion et frayeur. Il se demandait comment il pourrait mener des hommes au combat alors que lui-même était à ce point terrifié, et, cependant il savait qu’il lui fallait décrocher une autre ficelle, puis une autre encore, et qu’il s’efforcerait de grimper les échelons. Quelque chose n’allait pas avec lui dans ce moment, quelque chose qui bouleversait tout son être. « Vous met à plat cette nom de Dieu de chaleur », marmonna-t-il à l’adresse de Brown. Une vague et étouffante sensation d’horreur l’accablait.
    « On croit la connaître dans les coins mais c’est jamais tout à fait ça, dit Brown. C’est comme ta combine du garage. T’as eu de la chance, voilà tout. Tu penses qu’on savait qu’y a des Japonais par ici ? Je te le dis, Stanley, ç’a été tout comme toi là-bas. Comment foutre tu savais quand et où quelque chose allait te péter au nez ? C’est du pareil au même dans ma combine à moi, les ventes. Y a des trucs, des moyens de faire la grosse galette, mais t’es jamais sûr de rien.
    – Oui », dit Stanley. Il l’écoutait à peine. Il éprouvait une sourde révolte contre tout ce qui le rendait soucieux et envieux, qui le poussait toujours à fureter en vue de quelque avantage. Il ne savait pas quelle en était la cause, mais sans se le formuler explicitement il se disait qu’il y aurait bien des nuits dans sa vie où, suant et inquiet, il serait en proie aux tourments de son esprit.
    La campagne avait tourné à l’aigre. Après les avances réalisées dans la semaine qui suivit l’attaque des Japonais sur la rivière, Cummings s’arrêta pour quelques jours afin de consolider ses lignes et de compléter son réseau routier. Cet arrêt, considéré comme une halte temporaire avant une attaque frontale contre la ligne Toyaku, se révéla fatal. Bien que la tactique de Cummings, la coordination de ses divers services, le mouvement de ses patrouilles, eussent été tout aussi parfaitement conçus que jamais, le résultat en fut à peu près nul. I. e front, qui put se solidifier entre-temps, se comporta comme un animal exténué : il s’endormit, il se laissa aller à un sommeil Iii bernai. Une profonde léthargie se coucha sur les troupes en ligne.
    Au cours des deux semaines qui suivirent la période d’arrêt, après une série de patrouilles intensives et de puissantes attaques locales, Cummings s’avança de quatre cents mètres dans quelques secteurs et captura un total de trois avant-postes japonais. Des compagnies engageaient des combats de patrouille, échangeaient des fusillades stériles, puis se retiraient sur leurs positions. Les rares fois où il leur arriva de conquérir une pièce de terrain de quelque importance, ils l’abandonnèrent à la première contre-attaque un peu sérieuse. Que les pertes se fussent accrues chez les plus braves parmi les officiers en ligne, prouvait assez l’humeur réfractaire des troupes. Cummings savait le type d’engagement que cela représentait : une attaque est lancée sur quelque point fortement défendu, les hommes traînaillent à l’arrière, la coordination laisse à désirer, et tout finit par une poignée de braves, officiers et sous-officiers, engageant des forces supérieures – tandis que leurs troupes de support se volatilisent.
    Cummings fit plusieurs déplacements au front, et il se

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