Les Nus et les Morts
qu’une femme veut c’est qu’on la quitte pas d’une semelle.
Et puis faut encore que t’as attrapé une maladie avec cette garce de rien du tout.
Allez, arrête de me chercher des crosses, j’ai un peu de Pyridin ou diable sait comment ça s’appelle, ça me retapera en moins de rien, je me suis retapé avec ça des tas de fois.
On peut mourir de ça.
Te racontes des bêtises. (Il ressent un tremblotement de peur, qu’il refoule avec hâte.) Y a que ceux qu’ont la trouille de bouger de leur coin, qui tombent malades. T’as qu’à te payer une rigolade, et ça te tient en forme. (Il soupire et lui tapote le bras.) Allez, chouchou, voyons, arrêtons tes histoires, tu sais que je t’aime, y a des fois où que je peux être terriblement gentil avec toi.
Il s’offre un nouveau soupir. (Si que seulement on pouvait faire ce qu’on veut, on serait jamais dans le pétrin. Mais comme ça faut que je suis menteur, que je fais l’imbécile, et que je vas cinquante pas à gauche si même quand j’ai envie d’aller dix pas à droite.)
Il suit la rue principale avec sa fille aînée, âgée de six ans. Qu’est-ce que te regardes, May ?
Je regarde, papa.
Bien, ma chérie.
Il la voit qui dévore des yeux une poupée à l’étalage d’une boutique. Au pied de la poupée une étiquette porte le prix : 4.59. Qu’est-ce qu’y a, te veux la poupée ?
Oui papa.
Elle est sa préférée, et il soupire. Chérie, te mettras ton papa à la paille. Il täte dans sa poche un billet de cinq dollars ; c’est tout ce qui lui reste pour finir la semaine, et on est mercredi. Bon, allons-y, chérie.
Papa, maman sera fâchée contre toi parce que tu me l’achètes ?
Nan, chérie, papa arrangera ça avec maman. Il rit intérieurement. (Quelle maligne petite merdeuse c’est.) Il tapote avec affection son petit derrière. (Un de ces jours elle fera le bonheur d’un gars.) Viens, May.
Sur le chemin de retour il pense à l’histoire qu’Alice lui fera à cause de la poupée. (Eh, merde, je m’en fous. Qu’elle commence de dégosiller et je lui sors une de mes vieilles petites crises de rage et elle s’arrêtera pile. Y a que leur flanquer la trouille, c’est la seule façon qu’une femme comprend.) Allez, viens May.
Il longe la rue avec sa fille, saluant et interpellant ses amis. (J’arrive pas à comprendre pourquoi quand on baise on fait un gosse, une chose est une chose et une autre chose est une autre chose. C’est foutrement trop compliqué quand on commence de penser le pourquoi du comment et qu’on se demande ce qu’on va faire le coup d’après. Merde, y a qu’à laisser que les choses vous arrivent toutes seules et on se débrouille toujours assez bien.)
L’enfant se met à traînailler et il la prend dans ses bras. Viens chérie, toi tu portes la poupée et moi je te porte toi, et tout ira très bien.
(Un homme il a qu’à pas s’en faire pour qu’il a la vie belle.) Heureux et content, il continua son chemin vers la maison. Quand Alice se mit à gémir sur le prix de la poupée il lui sortit une de ses vieilles petites crises de rage, puis il se versa à boire.
après le transfert d’Hearn à la section de Dalleson, Cummings eut une semaine fort chargée. L assaut majeur et final contre la Ligne Toyaku, que Cummings retardait depuis presque un mois, était devenu virtuellement une nécessité. Le caractère des messages qu’il recevait du corps d’armée excluait tout atermoiement, et Cummings avait aussi bien ses propres informateurs dans les hauts échelons : il savait qu’il lui fallait obtenir un succès ou un autre dans la quinzaine à venir. Son état-major avait élaboré le plan de l’attaque dans ses ultimes variantes et détails, et l’assaut devait avoir lieu dans trois jours.
Mais Cummings était mécontent. Les forces qu’il pouvait assembler étaient relativement puissantes pour faire face à la situation, mais il s’agissait d’une attaque frontale et il n’y avait pas de raison de croire qu’elle réussirait davantage que l’attaque antérieure, qui manqua son but. Les hommes s’avanceraient, et à la première résistance sérieuse leur pas retomberait probablement à un simple rampement.
Pendant plusieurs semaines Cummings avait nourri un autre plan, basé sur l’appoint d’une force navale, chose toujours difficile à obtenir. Il avait tâté précautionneusement le terrain à cet effet, et reçut quelques réponses contradictoires qui le
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