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Les Nus et les Morts

Titel: Les Nus et les Morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Norman Mailer
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queuque chose de mal foutu dans ce bazar, c’est tout ce que je peux te dire. Ç’a pas de sens qu’une si bonne chose elle finit par te bousiller. » Il soupira. « Red, je te jure que j’y perds la boule. »
     
    Ils s’en revinrent à leurs tentes.
    LA MACHINE A FAIRE LE TEMPS

WOODROW WILSON, L’INVINCIBLE
    C’était un grand bonhomme d’une trentaine d’années avec une belle crinière d’un brun doré et une face saine et haute en couleur dont les larges traits avaient une coupe régulière. Assez bizarrement, il portait des lunettes rondes cerclées d’argent qui lui donnaient à première vue un air studieux ou, du moins, une apparence ordonnée. « Avec toutes les filles que j’ai eues, j’oublierai jamais cette petite vieille garce », disait-il, s’essuyant le dos de la main sur son front haut et sculpté, se la passant sur sa crinière dorée.
    Solidement ancrés dans votre esprit – clichés pareils à une paresseuse décadence, mort et maladie ; monotonie et violence. La rue principale assume avec malaise son air de prospérité criarde. Il y fait chaud, cela regorge de monde, les boutiques sont petites et malpropres. Languides et fiévreuses, les filles s’avancent sur leurs jambes maigrichonnes, la face peinte, le regard pris par les affiches multicolores qui tapissent l’entrée des cinémas, la main triturant l’acné à leur menton, les yeux pâles et insolents louchant au soleil qui réverbère sur l’asphalte maculé, sur les papiers piétinés, dont il fait ressortir les crevasses pleines de poussière.
    A cent mètres de là les rues de derrière sont vertes cl charmantes où le feuillage des arbres se rejoint au-dessus de la chaussée. Les maisons sont vieilles et plaisantes ; vous traversez un pont et regardez en bas vers un ruisselet tortueux qui contourne paisiblement des pierres arrondies ; on entend la voix des choses qui poussent et le susurrement des feuilles dans la morne brise de mai. Un peu plus loin il y a l’inévitable petit hôtel particulier avec ses persiennes cassées, ses colonnes qui s’écaillent, et ses murs d’un gris noirâtre pareil à celui d’une dent dévitalisée. L’hôtel particulier altère le charme des rues, il les souligne d’un trait sombre et mortuaire.
    La pelouse, au centre du square municipal, est déserte, et debout sur son socle la statue du général Jackson regarde d’un air appréciateur la pyramide de balles en ciment et le vieux canon dont la culasse a disparu. Derrière lui le quartier nègre s’étale jusque dans la campagne, le long des chemins sablonneux.
    Là-bas, dans le ghetto noir, les huttes et les cabanes fléchissent sur leurs pilotis, le bois s’esquille et meurt, les rats et les cafards se bousculent sur les planches à sec de sève. Tout flétrit dans la canicule.
    Tout au bout, presque dans la campagne, les blancs pauvres vivent dans des huttes similaires, espérant de passer un jour de l’autre côté de la ville où vendeurs de chaussures et caissiers de banque et contremaîtres d’usine vivent dans des maisonnettes cubiques le long des rues tracées au cordeau et où les arbres ne sont pas assez vieux pour couvrir le ciel.
    Là-dessus plane la morne, l’inerte brise de mai, suffocante avec l’approche de l’été.
    Certaines gens ne sont sensibles qu’à la chaleur. Woodrow Wilson, presque seize ans, étalé tout de son long sur un tronc d arbre en bordure du chemin sablonneux, somnole au soleil. Il a chaud aux reins et une délicieuse paresse coule dans ses membres. Dans une petite heure j’irai voir Sally Ann. De tièdes odeurs, des images de tétin et de pubis chatouillent son nez. Ah ! dis, je voudrais qu’on est déjà le soir. Un gars y a de quoi qu’il fondra au soleil à s’imaginer un con. Il soupire, remue paresseusement ses jambes.
    Je parie que papa l’écrase.
    Derrière lui, sous le porche flanqué de guingois sur des pilotis, son père dort dans un lit-balançoire mangé de rouille, avec sa liquette trempée de sueur qui lui remonte sous les aisselles.
    Y a personne qui peut faire pompette comme papa. Il se met à pouffer. Y a que moi, dans une petite année ou deux. Nom de Dieu, on a envie de rien fiche sauf de rester couché au soleil.
    Deux garçonnets nègres viennent à passer, menant une mule par la bride, Il se soulève.
    Hé, les moricauds, comment qu’elle s’appelle, la mule ?
    Leur regard se charge de crainte, et l’un d’eux frotte ses pieds dans la

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