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Les Nus et les Morts

Titel: Les Nus et les Morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Norman Mailer
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jumelles. Hearn secoua de nouveau la tête. « Nous tâterons du col. » Assurément, lui et Croft étaient les seuls qui auraient voulu s’attaquer à la montagne.
    Croft ressentit un curieux mélange de satisfaction et d’angoisse. Les dés étaient jetés. « Très bien », dit-il, les lèvres gourdes. Il se leva et fit signe aux hommes de se rassembler autour de lui. t Nous allons passer le col », dit-il.
    Un grognement maussade s’éleva parmi les hommes.
    « Bon, ça suffit comme ça vous autres. On prend le col, et peut-être qu’aujourd’hui vous ferez gaffe. » Martinez le regarda, et Croft lui répondit d’un haussement d’épaules dénué de sens.
    « A quoi foutre bon s’il faut qu’on se flanque à la gueule avec ces nom de Dieu de Japonais ? demanda Gallagher.
    – Assez de rouscailler, Gallagher. » Il ne les quittait pas des yeux. « On démarre dans cinq minutes, alors vous ferez mieux de vous mettre le cul en première. »
    Hearn leva la main. « Attendez, je veux vous dire quelque chose. La nuit dernière nous avons envoyé Martinez en reconnaissance et il a trouvé que le col était désert. Il y a des chances que nous n’y rencontrions personne. » Ils le regardaient avec incrédulité. « , Si nous tombons sur quoi que ce soit, une embuscade, la trace d’un Japonais, je vous donne ma parole que nous faisons demi-tour pour regagner séance tenante la côte. Est-ce de bonne guerre ?
    – Oui, firent quelques voix. ^
    – Bon, alors préparons-nous. »
    Quelques minutes plus tard ils se mettaient en route. Hearn boucla son barda et l’amarra sur ses épaules. Allégé de sept rations, le poids de son sac lui paraissait presque confortable. Le soleil qui commençait de chauffer le mit de bonne humeur. Il se sentait en forme ; une nouvelle matinée se levait, et il était impossible de ne point reprendre courage. L’abattement, les décisions de la veille, semblaient ne pas tirer à conséquence. Il savourait l’instant présent, et puisqu’il le savourait – c’était tant mieux.
    Très naturellement il prit la tête de la colonne et emmena ses hommes en direction du col.
    Une demi-heure plus tard le lieutenant Hearn était tué par une balle de mitrailleuse qui lui traversa la poitrine.
    Arrivé au rempart de pierre qui faisait face à l’entrée du col il s’était redressé négligemment, et alors qu’il était sur le point de faire signe aux autres de le suivre une mitrailleuse japonaise ouvrit le feu. Il tomba à la renverse parmi les hommes assemblés derrière l’abri.
    Le choc fut intense. Pendant dix ou vingt secondes personne ne fit rien. Serrés derrière le roc, se protégeant  la tête du bras, ils gisaient sans mouvement tandis que les balles japonaises sifflaient au-dessus d’eux.
    Réagissant le premier, Croft enserra son fusil dans une fente du roc et tira rapidement en direction du bocage, écoutant en silence le bruit cinglant des cartouches qui éjaculaient de son arme. A côté de lui Red et Polack s étaient suffisamment repris pour se redresser et faire feu à leur tour. Croft éprouvait un profond soulagement ; son corps était tout léger dans ce moment. « Allons-y les gars, flanquez-leur une volée », hurla-t-il. Son esprit "travaillait avec rapidité. Il n’y avait que peu d’hommes dans le bocage devant, pas même une escouade peut-être, sinon ils auraient attendu avant de tirer. Ils voulaient leur ôter l’idée d’avancer.
    Bon, tout était bien. Il n’allait pas s’attarder ici. Il jeta un bref regard sur le lieutenant. Hearn était couché sur son dos. Le sang jaillissait de sa blessure, maculant son visage et son corps. Croft éprouva de nouveau une sensation de soulagement. Finies la confusion, l’hésitation momentanée, qui le freinaient à l’instant de donner un ordre.
    L’escarmouche se prolongea pendant quelques minutes, puis les fusils et la mitrailleuse se turent à l’entrée du col. Croft s’accroupit derrière le rempart. A quatre pattes, un peu frénétiquement, les hommes se mirent à battre en retraite.
    « Arrêtez, cria Croft. Foutons le camp en ordre. Gallagher ! Roth ! Restez avec moi pour faire feu. Les autres contournez ce tertre. Martinez, emmène-les – il pointa en direction d’un monticule – et quand tu y seras ouvre le feu sur le col et on vous rejoindra. » Il se redressa pour un moment, tira une rafale, puis s’aplatit derrière le roc tandis que la mitrailleuse

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