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Les Nus et les Morts

Titel: Les Nus et les Morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Norman Mailer
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donnerai même pas la peine de cracher à la gueule du meilleur d’entre eux », dit Minetta avec rage. Une vague superstition le troubla – il ne faut jamais médire des morts, mais il la refoula d’un air de défi. « J’ai pas peur de dire ce que je pense. C’est tous des salauds. » Ses yeux étaient larges et excités sous son front dégagé. « S’il fallait qu’il claque pour que nous on rentre, moi ça me va. » Il alluma une cigarette, tirant de petites bouffées prudentes car la fumée lui brouillait l’estomac.
    « Qui dit qu’on rentre ? demanda Polack.
    – Ce lieutenant l’a dit, fit Wyman.
    – Oui, le lieutenant », s’ébroua Red tout en se couchant sur son ventre :
    Polack se tripota le nez. « Te veux parier qu’on remet ça ? »-Il y avait quelque chose de louche dans toute cette histoire, de louche comme tout. Ce Croft, quel gaillard. Un numéro. Voilà le genre de gars dont on avait besoin à Chicago, un fils de pute de première.
    « Aou », fit Wyman vaguement, il songea un instant à la fille qui avait cessé de lui écrire. Il ne lui importait même plus de savoir si elle était morte ou en vie. Qu’est-ce que ça pouvait bien faire ? Il se mit à regarder la montagne, espérant qu’ils rentreraient malgré tout. « Croft a-t-il dit quelque chose à ce propos ? »
    Comme pour lui répondre, Croft quitta à pas lents son poste de garde. « Allez, vous autres, en route.
    – On rentre, sergent ? demanda Wyman.
    – La ferme, Wyman. On va s’attaquer à la montagne. » Un chœur de grognements lui répondit, sourd et rancunier. « Ça vous convient peut-être pas, des fois ?
    – Pourquoi diable qu’on rentre pas, Croft ? demanda Red.
    – Parce que c’est pas ce qu’on nous a dit de faire. » Une rage intense s’emparait tie lui. Il ne leur permettrait pas de se mettre en travers de ses plans. Le temps d’une seconde il fut tenté de lever son fusil et de l’abattre sur le crâne de Red. Il serra ses mâchoires. « Allez, en route, vous voulez que les Japonais vous tombent dessus une autre fois ? »
    Gallagher lui décocha un regard irrité. « Ce lieutenant a dit qu’on rentre.
    – C’est moi qui commande maintenant. » Il ne les quittait pas des yeux, les matant de son regard. Ils se levèrent un à un, empoignèrent leurs sacs d un air morose. Ils étaient tous un peu engourdis et plutôt passifs. « Aaah, qu’il aille se faire foutre », grommela l’un d’eux. Croft grimaça un sourire. « Bande de femmelettes ! » dit-ii, la voix cinglante.
    Ils étaient tous debout, tous prêts. « En avant », dit-il paisiblement.
    Ils s’ébranlèrent avec lenteur sous le soleil matinal. A bout de quelques centaines de mètres leur fatigue les reprit, et ils continuèrent à patauger dans une semi-stupeur. Au fait, ils n’avaient jamais cru que la patrouille finirait sans plus. Croft les menait en direction de l’est, parallèlement aux falaises. Après une vingtaine de minutes ils arrivèrent à la première fissure dans les grands escarpements qui s’élevaient à la base de la montagne. Haute de plusieurs centaines de pieds, une rampe dont l’argile rouge reflétait la chaleur du soleil montait vers le ciel. Sans mot dire Croft aborda la pente et les hommes se mirent à escalader la montagne. Ils n’étaient plus que huit.
    « Tu sais, dit Polack à Wyman, ce Croft il est un idéaliste, voilà foutre ce qu’il est. » Le grand mot lui plut, qu’il venait d’employer ; mais, bientôt, tout occupé à s’accrocher au sol brûlant de la rampe, il n’y pensa plus. Quelque chose de louche. Il se promit de tirer les vers du nez à Martinez.
    Wyman revoyait de nouveau le lieutenant. Quelque chose qui le travaillait depuis l’embuscade, se précisait en lui. Avant de se donner le temps de réfléchir – il craignait comme le feu la dérision de Polack – il murmura : « Dis, Polack, tu crois que Dieu existe ? »
    Polack sourit, puis fourra ses mains derrière son sac pour en alléger le frottement. « S’il existe, c’est sûrement un fils de pute.
    – Oh ! dit pas ça. »
    Péniblement, les hommes continuaient de monter la rampe.
     
    LA MACHINE A FAIRE LE TEMPS :

POLACK CZYNIEWICZ, DONNE-MOI UN MACHIN ET JE SOULÈVERAI LE MONDE
    Là bouche impudique et mobile, avec ses trois dents qui lui manquaient au coin supérieur gauche… Vingt et un ans peut-être, mais son regard était malin et obscène, et quand

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