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Les Nus et les Morts

Titel: Les Nus et les Morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Norman Mailer
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dis. »
    Ça leur chatouillait les épaules, ça leur descendait dans le bout des doigts et leur faisait lâcher prise. « Qu’est-ce que tu nous racontes là ? » haletait Brown. Chacun d’eux bataillait contre son propre démon.
    Goldstein buta, et Wilson se mit à crier. « Goldstein, espèce de salaud, t’as fait ça exprès, je t’ai vu, t’es un propre à rien. » Le plongeon du brancard lui rappela que le manche du côté droit devant était tenu par Goldstein, et d’avoir braillé son nom des souvenirs remontèrent dans son esprit. « . Il vaut foutre rien ce Goldstein, un type qui refuse un coup de gnole. » Il pouffa faiblement, et un peu de sang opaque remonta des profondeurs desséchées de sa Gorge. « Nom de Dieu, ce vieux Croft l’a jamais su que je l’ai baisé d’un bidon. »
    Yeux à terre, Goldstein secoua la tête avec colère. « Ils n’oublient jamais, les goyim, ils n’oublient jamais », se répétait-il. Il se sentait ligué contre eux tous. Que comprenait-il, ce Wilson, de ce qu’ils faisaient pour lui ?
    Et, s’étant calmé, Wilson écoutait le bruit rapide de leur ahan. Ils travaillaient pour lui. Il le comprit tout d’un coup, s’agrippa un instant à cette idée avant qu’elle pût lui échapper, mais l’émoi qu’il en ressentit ne le quitta plus. « Dis, je sais bien ce que vous faites pour moi, mais vous avez pas besoin de continuer. Avez qu’à me laisser, c’est tout. » Et, n’obtenant pas de réponse, il redevint irritable. « Sacré nom de Dieu, je dis que vous pouvez me laisser. » Il pleurnichait comme un enfant fiévreux.
    Goldstein avait envie d’abandonner. « Il dit que nous devrions le laisser », pensa-t-il. Mais, immédiatement, les paroles de Wilson le bouleversèrent. La chaleur et l’épuisement l’empêchaient de réfléchir, et ses pensées bondissaient par saccades comme des réactions musculaires. « Nous ne pouvons pas le laisser, se dit-il, c’est un homme généreux », – puis de nouveau il ne put songer à rien sinon au tourment accru de ses bras, à la peine qui nouait chaque muscle de son corps.
    Wilson se frotta la langue sur le bord desséché de ses dents. « Oh ! dites, j’ai soif », piaula-t-il. Il se tortilla sur la civière, soulevant la tête vers le ciel de plomb poli, sentant dans sa gorge la promesse d’une félicité infinie. Dans un instant ils lui donneront de l’eau, et le feu s’apaisera qui torturait sa langue et son palais. « Dites, donnez-moi à boire, grommela-t-il. Donnez-moi un peu d’eau. »
    Ils l’écoutaient à peine. Il n’avait pas cessé de réclamer à boire de tout le jour sans qu’ils prêtassent attention à son babillage. Il laissa retomber sa tête, roulant sa langue empâtée dans la cavité aride de sa bouche. « Un peu d’eau », bêla-t-il. Il attendait patiemment, luttant contre le vertige qui semblait le tourner en rond sur la civière. « Nom de Dieu de nom de Dieu, donnez-moi un peu d’eau.
    – Calme-toi, Wilson, grommela Brown.
    –  De l’eau, sacré nom de Dieu. »
    Stanley s’arrêta, flageolant sur ses jambes, et ils posèrent le brancard. « Donne-lui un peu d’eau pour l’amour de Dieu, cria-t-il.
    – On ne donne pas d’eau à un blessé au ventre, protesta Goldstein.
    – Qu’est-ce que t’en sais ?
    – – On ne peut pas lui donner de l’eau, dit Goldstein. Ça le tuerait.
    – Y a plus d’eau, souffla Brown.
    – Aaah, vous me faites chier, beugla Stanley.
    – Un peu d’eau fera point de mal à Wilson », marmonna Ridges. Il ressentait une trace de surprise et de mépris. On meurt tout pareil avec ou sans eau. Il se demandait pourquoi tant d’histoires à propos de rien.
    « Brown, dit Stanley, j’ai toujours pensé que t’es un dégonflé. Refuser un peu d’eau à un blessé. » Il titubait au soleil. « Un vieux copain comme Wilson et tu lui donneras même pas un peu d’eau parce que quelque docteur l’a dit. » Une terreur qu’il s’efforçait de nier se tapissait derrière ses paroles. En dépit de son épuisement il savait qu’il y avait quelque chose de malévole (qui a de dangereuses intentions), de dangereusement malévole dans son insistance. Mais, en s’échauffant, en se mettant dans une colère vertueuse, il réussissait à n’y pas penser. « Voilà ce qu’on gagne quand on essaie de soulager un peu un gars qui souffre, disait-il. Sacré nom de Dieu, Brown, est-ce que tu veux le

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