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Les Nus et les Morts

Titel: Les Nus et les Morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Norman Mailer
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alors de plus belle à la paroi faite d’une rocaille grise, molle, gluante, qui semblait dégager une odeur de peau de phoque. Une sensation odieusement charnue en émanait, qui les cm plissait de panique et leur faisait hâter le pas.
    La corniche se rétrécit jusqu’à n’avoir plus que neuf pouces. Ecarquillant les yeux dans la brouillasse, Croft essayait de se rendre compte si l’épaulement allait s’élargir. C’était la première passe où leur ascension demandait un commencement de savoir-faire. Jusque-là il s’était essentiellement agi d’une trop abrupte colline, mais à présent Croft souhaitait qu’il eût une corde et des piolets de montagne. Il continuait, bras et jambes écartés, étreignant le roc, tâtonnant des doigts à la recherche des fissures.
    Il arriva à une brèche, large de quatre pieds environ, qui s’ouvrait à même la corniche. Rien ne rejoignait les lèvres de la trouée, ni buisson ni racine à quoi ils pussent s’agripper. L’épaulement disparaissait, puis continuait de l’autre côté. Une chute verticale séparait la falaise en deux. La traversée de la brèche ne demandait qu’un simple saut, tout au plus un long pas sur un terrain ae niveau, mais il s’agissait de bondir de côté, de décoller du pied gauche et d’atterrir du pied droit, de regagner son équilibre en vacillant sur le bord du précipice.
    Croft se défit de son sac, le passa à Martinez qui le suivait de près, hésita une seconde, sa jambe droite suspendue sur le vide, puis il sauta de côté et atterrit sur l’autre bord, chancelant un moment avant de s’affermir.
    « Jésus, qui c’est qui va pouvoir traverser ça ? entendit-il murmurer quelqu’un.
    – Bougez pas, dit Croft. Je vais voir si ça s’élargit. » Il fit une cinquantaine de pieds le long de la corniche et trouva qu’elle s’élargissait. Il en fut profondément soulagé, car il se. voyait déjà faisant marche arrière pour chercher une autre route. Et il n’avait plus la certitude de pouvoir relever le courage de ses hommes.
    Il s’avança au-dessus de la brèche et se fit remettre son sac par Martinez. La distance était assez petite pour que leurs mains pussent se toucher. Il prit le sac de Martinez et se déplaça de quelques pas. « Allez les gars, en avant, appela-t-il. L’air est salement meilleur de ce côté-ci. »
    Il y eut un ricanement nerveux. « Hé, Croft, fit la voix de Red, est-ce que cette saloperie de corniche est plus large là-bas ?
    – Oui, et comment. » Il s’en voulait d’avoir répondu. Il aurait dû lui dire de la fermer.
    Roth, au fin bout de la colonne, écoutait avec épouvante. Il manquerait probablement son pas, et malgré lui son corps se raidissait d’angoisse. Sa colère était encore en lui, mais elle avait changé en une calme résolution. Il était très fatigué.
    A mesure qu’il les voyait passer leurs sacs et sauter, sa peur augmentait. Il n’avait jamais été bon à ce genre de choses, et une vieille panique s’éveillait en lui du temps où, dans la classe de gymnastique, il attendait son tour devant la barre fixe.
    Son tour s’approchait irrévocablement. Minetta, le dernier à le précéder, hésita sur le bord du précipice, puis sauta. « Jésus, tu parles d’une acrobatie », dit-il, riant sans force. Roth s’éclaircit la gorge. « Faites place, j’arrive », dit-il doucement. Il passa son sac de l’autre côté.
    Minetta lui parlait comme s’il s’adressait à un animal. « T’en fais pas, vieux. C’est deux fois rien. T’as qu’à aller molo et tu l’auras fait.
    – Ça va », dit Roth avec ressentiment.
    Mais quand il s’approcha du bord et regarda devant lui, ses jambes lui firent défaut. L’autre bord était très loin. La falaise tombait à ses pieds dans un vide redoutable.
    « Je viens », marmonna-t-il de nouveau, ne bougeant pas. Son courage, à l’instant où il allait sauter, l’avait abandonné.
    « Je vais compter jusqu’à trois, se dit-il.
    Un.
    Deux.
    Trois. »
    Mais il ne bougea pas. Les secondes critiques s’allongèrent puis s’évanouirent. Son corps l’avait trahi. Il voulait sauter, et son corps s’y refusait.
    La voix de Gallagher lui parvint de l’autre corniche. « Minetta, approche-toi du bord et attrape-le, ce sale con. » Il vit Gallagher qui se faufilait entre les jambes de Minetta. Il le voyait ramper vers lui, étendre son bras, lui décocher un regard menaçant. « Allez, tout

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