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Les Nus et les Morts

Titel: Les Nus et les Morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Norman Mailer
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tout le mouvement ouvrier ; tout le pays, le président de la République y compris, est influencé chaque fois qu’elle remue du croupion. »
    L’interprétation labiale de l’histoire.
    Hearn entendit, venant de sa poitrine, l’accent froid et aigu de sa propre parole. « Comment savez-vous tout cela, mon colonel ? » Sous la table, ses jambes tremblaient de colère.
    Conn se tourna vers Hearn, le regardant à travers la transpiration qui s’accumulait profusément en grosses gouttes sur son nez rouge coupé de vésicules. Il demeura en suspens un court moment, incertain si la question était amicale ou »on, visiblement ennuyé par cette légère infraction à la discipline. « Qu’est-ce que vous voulez dire comment je le sais, Hearn ? » demanda-t-il.
    Hearn laissa s’écouler une seconde, s’efforçant de ne pas outrepasser la mesure. Il se rendit brusquement compte que la plupart des officiers les regardaient fixement, lui et Conn. « Je ne pense pas que vous sachiez grand-chose à ce sujet, mon colonel.
    – Vous ne pensez pas, eh ? Vous ne pensez pas, hé ?
    Bon Dieu, j’en sais sur ces bâtards de syndicalistes infiniment plus que vous. »
    Hobard y mit du sien. « C’est bien de foutre les moricaudes et de vivre avec. » Il rit, cherchant l’approbation. « Parfaitement bien, n’est-ce pas ?
    – Je ne vois pas que vous sachiez tant de choses à ce sujet, colonel Conn », dit de nouveau Hearn. L’affaire prenait l’allure qu’il avait redoutée. Une ou deux répliques de plus, et il avait le choix soit de battre en retraite, soit de prendre la punition. En revenant à la charge malgré la réponse de Conn, il n’avait fait qu’envenimer les choses.
    « Vous pouvez vous taire, Hearn. Quand je dis quelque chose, je sais ce que je dis. »
    Dalleson intervint à son tour, en écho. « Nous savons que vous êtes diablement malin, Hearn. » Un petit rire approbatif courut sous la tente. Tous le détestaient donc, se dit Hearn. Bien qu’il le sût, il en éprouva un léger serrement de cœur. Le lieutenant qui était assis à côté de lui se tenait roide et tendu, son coude prudemment éloigné du sien.
    Il s’était mis lui-même dans cette situation^ et la seule chose à faire c’était d’y aller jusqu’au bout. L’appréhension, et une préoccupation détachée, presque anodine, de ce qui l’attendait, se mêlaient aux battements immodérés (le son cœur. La cour martiale, peut-être ?
    Tout en parlant, il sentit de la fierté pour la précision de sa voix. « Puisque vous en savez tant à ce sujet, mon colonel, je pense que vous devez l’avoir appris en regardant par le trou de la serrure. »
    Quelques rires alarmés lui répondirent, et la rage dilata la face de Conn. Le rouge de son nez déborda lentement sur ses joues, sur son front où ses veines bleues devinrent effrayantes – un nœud de racines pourprées, pleines de bile. Il était visiblement à la recherche de ses mots, tel un joueur qui, ayant laissé échapper sa balle, court frénétiquement en rond pour la localiser. Quand il aura parlé, ça sera terrible. Même Weber s’était arrêté de manger.
    « Messieurs, s’il vous plait ! »
    C’était la voix du général, une voix qui arrivait de l’autre extrémité de la tente. « Il suffit comme cela. »
    Ils se turent tous. Il y eut un silence dans lequel même le ferraillement de la vaisselle s’évanouit – puis vint la réaction : chœur de chuchotements, petites exclamations, retour gêné vers les plats sur la table. Hearn était furieux contre lui-même, écœuré de s’être senti soulagé par l’intervention du général.
    Sujétion au père.
    Il se rendit compte que, subconsciemment, il avait su ^ué le général le protégerait, et une ancienne et confuse émotion s’empara ae lui, un ressentiment et quelque chose d’autre cependant, quelque chose qui n’était pas très franc.
    Conn, Dalleson et Hobart lui jetaient des regards, un trio de marionnettes furieuses. Il porta la cuiller à ses lèvres, mâcha la chair sucrée d’une pêche de conserve dont le goût jurait avec l’aigreur de sa gorge, avec le chaud et l’acide tourbillonnement de son estomac. Il reposa la cuiller avec bruit, puis demeura assis en regardant la table. Conn et Dalleson parlaient maintenant avec embarras, -comme des personnes qui se savent écoutées par des étrangers dans un train ou un autobus. Il capta un mot ou deux, quelque chose

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