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Les Nus et les Morts

Titel: Les Nus et les Morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Norman Mailer
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quand leur conversation avait pris un tour très intime, Cummings avait grommelé : « J’ai des ennemis, Robert, de puissants ennemis. » Une inflexion d’auto-apitoiement s’était faite très distincte dans sa voix, contrastant avec le clair et froid jugement dont il faisait habituellement preuve dans son appréciation des hommes et des choses. La propagande en avait fait le plus sympathique et le plus bienveillant des généraux divisionnaires, son charme était bien connu, mais Hearn avait découvert fort tôt que Cummings était un tyran, un tyran A la voix veloutée il est vrai, mais indéniablement un tyran.
    Il était, aussi, un snob affreux. Hearn, qui s’avouait snob lui-même, n’avait pas de préjugés contre le snobisme, encore que le sien fût d’un ordre différent de celui du général. Hearn avait l’habitude de classifier les gens ; il avait déterminer leur nature, dût-il passer en revue cinq Cents variétés d’espèces pour identifier son personnage. Le snobisme du général était d’une sorte bien simple. Il connaissait les faiblesses et les défauts de ses officiers d’état-major, mais quelles que fussent les compétences des uns et des autres, à ses yeux un colonel était toujours supérieur à un commandant. Sa bienveillance à l’égard d’Hearn en était d’autant plus inexplicable. Il l’avait nommé son aide de camp après une entrevue d’une demi-heure, dès l’arrivée d’Hearn à la division, et lentement, progressivement, il lui avait marqué sa confiance. Ceci, en soi, était compréhensible ; comme tous les grands vaniteux, le général entendait s’entourer de gens qui lui fussent intellectuellement égaux ou qui pussent du moins prétendre à une telle égalité, à qui il pût exposer ses idées et théories. Or, de tout son état-major, Hearn était le seul qui eût de quoi le comprendre. Mais aujourd’hui, exactement trente minutes plus tôt, le général l’avait repêché d’une situation qui avait failli devenir dangereuse. Presque toutes ses soirées, depuis le jour du débarquement, s’étaient passées en conversations sous la tente du général, et cela se sut très vite aux quatre coins du bivouac. Le général ne pouvait pas l’ignorer, il devait savoir quels ressentiments cela impliquait, quels dangers pour le moral. Cependant, à l’encontre de ses propres intérêts et en dépit de ses préjugés il tenait toujours à Hearn et, bien plus encore, il s’employait à faire miroiter aux yeux de celui-ci l’indéniable fascination de sa personnalité.
    Hearn savait que, n’eût été le général, il eût demandé sa mutation bien avant l’arrivée de la division en vue d’Anopopéi. Il y avait ce sentiment d’être un officier d’ordonnance ; il y avait ce désagréable contraste – toujours si frappant à ses yeux –  entre les hommes et les officiers ; il y avait surtout cet écœurement que lui inspiraient les officiers d’état-major, et qu’il dissimulait si mal. Mais c’était l’attitude énigmatique du général à son endroit, qui le faisait patienter. A vingt-huit ans, la seule chose qui l’intéressât réellement était de mettre à jour les équivoques et les faux-fuyants les plus dissimulés, de les débusquer dans chaque homme ou femme qui piquaient sa curiosité. Il avait dit une fois : « Quand j’ai découvert la camelote dont ils sont faits, ils ne font plus que m’ennuyer. Il ne me reste qu’à m’en défaire au plus vite. » Et, en retour, il s’était attiré cette réplique : « Hearn, vous jouissez d’une si bonne santé, que vous n’êtes plus rien qu’une coquille. »
    Vrai, probablement.
    En tout cas, il n’était pas facile de reconnaître la camelote dont étaient tissés les motifs du général. Il avait, sans doute aucun, ses sales petites démangeaisons, ses convoitises inavouables, que réprouvait l’éthique des hebdomadaires bien-pensants, mais cela ne le diminuait en rien.
    Il y avait en lui un talent, un facteur additionnel, une convoitise plus profonde que tout ce que Hearn avait rencontré à ce jour, au point qu’il perdait de son objectivité dès qu’il s’agissait de Cummings. Il abominait l’idée même que le général pût l’influencer davantage qu’il n’affectait à son tour le général. Perdre son inviolable liberté signifiait se voir assailli de nouveau par les maux et les misères dont tous pâtissaient autour de lui.
    Mais, en dépit de tout,

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