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Les Nus et les Morts

Titel: Les Nus et les Morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Norman Mailer
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mauvais. On a pas besoin de s’en faire qu’ils nous contournent de ce côté-ci, mais on est quand même le flanc. Si jamais ils cognent dur ici, y a pas grand-chose pour les arrêter.  Il rentra dans les broussailles, exhalant son souffle avec lenteur. « Je te le dis, ces deux nuits qu’on a passées ici me donnent la chair de poule. Vise-moi cette rivière. Quand y a beaucoup de lune tout ça se met à briller, et t’attrapes la tremblote à la regarder. »
    Croft demeura à la lisière de la jungle, regardant le cours d’eau qui, à quelques mètres à peine des falaises, tournait à droite et coulait parallèlement à la montagne, en direction des lignes japonaises : de cet endroit-ci il serait en mesure de voir tout le terrain. Sur la gauche, la rivière s’en allait tout droit pendant plusieurs centaines de mètres, comme une route dans la nuit, prise entre deux talus de haute herbe. « Où est-ce que vous êtes, vous autres ? » demanda-t-il.
    Le soldat pointa en direction d’un arbre qui se projetait légèrement au-dessus de la jungle. « On est juste de ce côté-ci de cet arbre. Si t’as besoin d’y aller, reviens à la fourche et prends la piste à l’extrême droite en venant d’ici. Appelle « Buckeye » quand tu t’amènes.
    – Bien », dit Croft. Ils parlèrent encore pendant quelques minutes, puis le soldat se tâta à l’endroit de ses cartouchières. « Jésus, je te le promets, ça te rend fou de passer la nuit ici. De la brousse, y a que ça, et toi au bout avec rien d’autre que cette saloperie de mitrailleuse. » II mit son fusil en bandoulière et s’en fut par la piste. Croft le suivit du regard pendant un moment, puis s’en retourna à ses hommes. Ils l’attendaient à côté des trois petites tentes, et il leur indiqua l’emplacement des deux mitrailleuses. Il leur dit brièvement ce qu’il avait appris, désigna les hommes de garde. « Il est après minuit maintenant, fit-il. On va être quatre à l’un des postes, cinq à l’autre. On changera de garde toutes les deux heures. Le poste qu’aura quatre hommes recevra le cinquième au second tour. » Il les divisa, prit pour lui-même le premier tour de garde à la mitrailleuse sur le flanc. Wilson s’offrit pour le premier tour à l’autre mitrailleuse. « Quand j’ai fini, je veux dormir tout mon saoul, dit-il. J’en ai marre qu’on me réveille juste quand je commence d’avoir un bon rêve. »
    Les hommes sourirent tristement.
    « Puis écoutez, ajouta Croft, si jamais y a du grabuge ceux qui dorment ont qu’à se lever sacrément dare-dare et se cavaler pour nous donner un coup de main. Y a que deux mètres de vos tentes à la mitrailleuse de Wilson, et y a guère beaucoup plus jusqu’à la mienne. Faudrait pas que ça vous prend plus dé trois heures pour vous amener. » De nouveau un ou deux hommes sourirent. « Bon, c’est tout », dit Croft. Il les laissa et s’en fut vers sa mitrailleuse.
    Il s’assit sur le rebord du trou et regarda à travers les broussailles en direction de la rivière. La jungle l’entourait complètement, et maintenant, n’étant plus actif, il se sentit très las et un peu déprimé. Pour y parer, il se mit à reconnaître les divers objets dans le trou. Il y avait là trois caissons qui contenaient des bandes pour la mitrailleuse et une rangée de sept grenades nettement alignées au pied de l’arme, plus une boîte avec des fusées et leur fusil. Il le prit, rabattit avec calme la culasse, y glissa une fusée, arma le chien. Puis il posa le fusil à la portée de sa main.
    Quelques obus passèrent en murmurant au-dessus de lui. Il fut un peu surpris de constater combien près ils avaient atterri, de l’autre côté de la rivière. A cette distance le bruit de leur explosion résonna très fort ; des éclats de shrapnel ! cinglèrent la cime des arbres qui l’entouraient. Il cassa une tige, la porta à sa bouche, se mit à la mâcher pensivement. Il supposait que le tir venait de la compagnie A, et il s’efforçait de déterminer quelle piste, à partir de la fourche, l’y mènerait au cas ou il devrait se replier avec ses hommes. Il était patient maintenant, et tout à fait à son aise ; l’anticipation qu’il eut d’un combat possible se trouvait neutralisée par le danger même de leur situation, et il se sentait calme, de sang-froid, et très fatigué.
    Les obus de mortier tombaient peut-être à une cinquantaine de mètres sur le

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