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Les Nus et les Morts

Titel: Les Nus et les Morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Norman Mailer
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tête ? » murmura Wilson, tandis que les autres se mettaient à pouffer.
    Certains s’endormaient tout en marchant. Leurs yeux clos depuis presque le commencement de la marche, ils s’assoupissaient à l’instant où leur pied quittait le sol, se réveillaient quand leur pied touchait le sol. Depuis plusieurs minutes Wyman se traînait sans plus rien ressentir ; son corps était complètement engourdi. Lui et Ridges sommeillaient continuellement, et çà et là, sur un parcours de dix ou de quinze mètres, ils s’endormaient tout à fait. Il leur arrivait de dérailler et d’aller se cogner stupidement dans les broussailles avant que de regagner leur équilibre. Ils faisaient alors un bruit qui semblait terrifiant dans la nuit, et les hommes se rendaient compte avec inquiétude combien près ils se trouvaient de la bataille. A un demi-mille devant on entendait une fusillade.
    « Dieu de Dieu, chuchotait l’un d’eux, pouvez pas rester tranquilles ? »
    Ils devaient être en route depuis une bonne demi-heure, mais les premières minutes passées personne ne songea au temps. Se courber en deux, glisser dans la boue, se retenir à deux mains sur celui qui les précédait, était devenu leur unique réalité ; la piste était un calvaire, et ils ne se préoccupaient plus où ils allaient. Pour la plupart d’entre eux la fin de la marche vint en surprise. Martinez était revenu sur ses pas et leur avait dit de se tenir coi. « Ils vous entendent venir depuis dix minutes », chuchota-t-il. Un silence se coucha sur les hommes et ils firent les cent derniers mètres à pas feutrés, ridiculement précautionneux, tous leurs muscles raidis chaque fois qu’ils avançaient la jambe.
    Il n’y avait ni barbelés, ni terrain défriché à la compagnie A. La piste s’y divisait en une fourche quadruple, dont chaque branche menait vers un poste différent. Un soldat vint à leur rencontre à l’endroit où la piste se divisait et les mena le long de l’une des branches en direction de quelques petites tentes piquées sous le feuillage. « J’ai la deuxième section, dit-il à Croft. Je suis juste à une centaine de mètres vers le bas de la rivière. Ton escouade peut dormir dans ces trous cette nuit, et monter la garde ici même. Y a deux mitrailleuses pour vous.
    – Qu’est-ce qui se passe ? chuchota Croft.
    – Ché pas. J’ai entendu dire qu’ils s’attendent à une attaque à l’aube, sur tout le long de la ligne. On a été obligé d’envoyer une section à la compagnie C au début de la nuit, et on est resté moins qu’une section à garder tout cet avant-poste. » Il se passa la main sur la bouche, avec un bruit de froissement. « Allez, viens que je te montre la place », ajouta-t-il, saisissant Croft par le coude. Croft libéra son bras ; il détestait qu’on le touchât.
    Ils s’avancèrent de quelques pas le long de la piste, jusqu’à ce que le sergent de la compagnie A. se fût arrêté devant un trou. Il y avait là une mitrailleuse, avec son canon pointé à travers une frange d’arbrisseaux. Croft regarda à travers les feuilles et put voir, dans la faible lueur de la lune, un cours d’eau bordé de chaque côté d’une bande de sable. « Quelle profondeur, la rivière ? demanda-t-il.
    – Ben, quatre, cinq pieds peut-être. C’est pas cette eau qui les arrêtera.
    – D’autres avant-postes en avant d’ici ? demanda Croft.
    – Rien. Et les Japonais savent exactement où nous sommes. Ont envoyé des patrouilles. » Il s’essuya de nouveau la bouche et se redressa. « Viens que je te montre l’autre mitrailleuse. » Ils suivirent une piste taillée grossièrement dans la jungle, à une dizaine de mètres de la grève. Des grillons grillotaient très fort, et le soldat eut un frisson. « Voilà l’autre, dit-il. Ici c’est le flanc. » Il glissa un coup d’œil à travers les broussailles et sortit sur la bande de sable. « Regardé », dit-il. Croft le suivit. A une cinquantaine de mètres sur leur droite s’élevaient les contreforts de Watamaï. Croft regarda en l’air. Les falaises montaient presque verticalement sur un millier de pieds. Malgré l’obscurité il les sentait planer au-dessus de lui. Il força sa vue, pensant apercevoir une trouée de ciel au-delà des falaises, mais tout n’était que ténèbres, il ressentit un curieux tressaillement. « Je savais pas qu’on était si près, dit-il.
    – Oh ! oui. C’est bon et c’est

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