Les panzers de la mort
chose : une compagnie de tirailleurs du 104 e et une batterie anti-aérienne 8,8, plus deux vieux 7,5 sur automotrice et une compagnie inutilisable de vieux réservistes de 50 ans, le tout, amalgamé en bataillon de choc sous le commandement de von Barring.
A la faveur du brouillard, Il fit évacuer à l’aube les premières tranchées trop proches de la colline, et peu après, arriva en renfort une compagnie de pionniers avec des lance-flammes. Nous les aurions embrassés ! C’étaient des soldats aussi aguerris que nous-mêmes, des vétérans de 39 et nous savions que nous pouvions compter sur eux.
Tassés dans les dernières tranchées, le cœur battant, nous regardions tourner avec une lenteur mortelle les aiguilles de nos montres. Petit-Frère silencieux ne quittait pas le grand docker ; on sentait qu’à l’heure du danger Il n’était pas fâché de cette compagnie. Stege et moi nous tenions près de Porta que le légionnaire suivait pas à pas. A notre gauche, Möller, Bauer, et les autres.
Les grenades se mouillaient dans nos mains moites, les cigarettes succédaient aux cigarettes trompant l’angoisse oppressante… Quelque part, sous la terre, les pionniers russes travaillaient à notre mort, mais à une mort que le hasard d’un fil téléphonique nous permettait de regarder aussi objectivement que les copains d’en face.
IL était 11 heures 15. Dans un quart d’heure… Fatigués, nous fixons dans le brouillard, le paysage marécageux. Rien ne bouge, pas une feuille… un Silence de tombe… 11 heures 30… rien. Un quart d’heure s’écoule. Toujours rien.
Puis tout à coup nous réalisons ! Notre heure retarde d’une heure sur celle des Russes. – C’est pire que tout ! dit Porta.
– Moins pire qu’attendre devant un bordel où y a dix putains avec cent hommes devant vous ! dit le petit légionnaire sans quitter le paysage des yeux.
– Ça ne devrait pourtant plus t’intéresser depuis que t’as plus de roupettes, opina Petit-Frère.
– Répète voir ! dit le légionnaire et je te décharge ma mitraillette dans la cervelle…
– Silence ! dit la voix mécontente de von Barring.
Attendre, attendre… attente mortelle. Une heure passe… l’aiguille marque 13 heures. Toujours rien.
Une nervosité commença à sourdre dans la tranchée bourrée à Craquer. Il était impossible de se détendre, impossible de circuler, on maugréait à voix basse, on s’ébrouait avec des jurons étouffés, les vieux s’étaient collés au fond, apathiques, déjà marqués par la mort, ces vieux territoriaux de 50 ans et plus, les pionniers, mêlés à ceux des blindés, fumaient, attendant comme nous la marée colossale qui allait nous tomber sur le dos.
Le temps passait. Les uns devenaient plus nerveux, les autres plus calmes ; nous, les vétérans, on était de plus en plus tendus. Pluto pour pouvoir courir et tirer à hauteur de hanche, avait passé la courroie de sa mitraillette par-dessus son épaule. Petit-Frère, à notre étonnement, s’était aussi procuré un fusil-mitrailleur, bien qu’il fût porteur d’affût de mitrailleuse lourde. Qu’était devenu l’affût ? et où avait-Il pris le fusil-mitrailleur, personne ne le demanda. Un chapelet de cartouches passé autour du cou et des épaules le faisait ressembler à un rebelle mexicain de l’armée de Francisco VII, et une pelle de tranchée bien aiguisée était enfilée à son ceinturon comme arme de corps à corps.
Kalb portait sur son dos une touque de combustible destiné au lance-flammes de Porta. Celui-ci arborait naturellement son haut de forme, et, par la poche de sa capote, sortait la tête de son chat roux. Tout ça tenait de la maison de fous !
Les artilleurs qui avaient enterré leurs canons derrière nos positions, émirent, las d’attendre, la prétention de retirer leurs pièces. Une vive discussion éclata alors, entre von Barring et un lieutenant d’artillerie, que von Barring menaça de faire fusiller s’il bougeait d’une semelle. Nous en fûmes dans la joie, car von Barring était un vieux renard et sentait toujours venir le vent.
Une demi-heure passa. Des hommes grognèrent et voulurent aller chercher du ravitaillement. Von Barring l’interdit. Les territoriaux rouspétaient à haute voix et leur chef de compagnie, un capitaine d’une soixantaine d’années, parlait ouvertement d’un affolement ridicule en évoquant le temps où Il était à Verdun !
Soudain, à 14 heures
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